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Le Retour (ou histoire du clan du datia yawe)

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Le Retour (ou histoire du clan du datia yawe) Empty Le Retour (ou histoire du clan du datia yawe)

Message par ethgri wyrda Mar 20 Déc - 14:15

Bonjour à tous,

Ceci est l'histoire d'un récit qui m'a hanté longtemps.  dwarf

En 2014, j'ai commencé à écrire l'histoire du clan Du Datia Yawe, un clan d'elfes sylvain. Ce texte se trouve  dans le sujet suivant.. J'étais trop jeune, trop mal préparé, et j'ai commis l'erreur de débutant classique quand on met son pied dans le monde de l'écriture pour la première fois : j'ai commencé directement par une saga (pour être exacte, j'ai considéré un texte précédent comme le premier tome, et je me suis lancé dans le second).
Et ce qui devait arriver arriva : comme d'innombrables jeunes auteurs, je me suis essoufflé. Après une poignée de chapitres perpétuellement réécrits, et plusieurs années, j'ai abandonné.

J'y suis revenu il y a quelques temps. J'avais un peu mûri, j'avais revu à la baisse mes ambitions. Mon style s'était amélioré aussi (je crois Razz ). Mais je n'étais pas allé tellement plus loin qu'à la première tentative.

Et depuis 2014, chaque fois que j'ai essayé de me lancer dans un projet un peu gros, j'avais ce récit qui me disait "Non ! Non ! tu dois me terminer ! S'il te plait !". Et ça me bloquait tout. Sad

Mais cet été, j'ai lu "les enfants de Hurin", de Tolkien. Et le style était très très particulier : direct, simple, proche de la manière d'écrire les sagas nordiques. J'ai tout de suite adoré. Et je me suis dis que si je voulais en finir avec mon récit, le meilleur moyen était de le reprendre avec cette manière d'écrire qui me semblait plus rapide. Plusieurs pays traversés en une seule phrase, une bataille en quelques mots, un minimum de dialogues et de descriptions. Les outils idéals pour raconter rapidement cette histoire.

Je me suis donné pour objectif de terminer mon récit pour le nouvel an, j'ai écris dans le métro, et quasiment tous les soirs quelques minutes. J'ai supprimé de très nombreux personnages, plusieurs péripéties, plusieurs descriptions, des allusions à des éléments plus vastes de l'univers de Warhammer. J'ai simplifié, ce n'était plus un tome d'une saga, mais un roman indépendant, sans conséquences. Et finalement, j'ai atteint le passage où je m'étais arrêté la fois d'avant. J'ai tué le personnage dont les aventures étaient le point de départ de tout ça. C'était un passage obligé. Puis j'ai dépassé ce point, et j'ai posé le mot de la fin.

Je suis très content du résultat.

Ce n'est pas un grand récit, ce n'est pas la meilleure histoire du monde, le style est sans doute assez aride, mais c'est un récit achevé, et c'est tout ce qui compte pour moi. J'ai exorcisé cette histoire, maintenant un monde de projets possibles s'ouvre Very Happy

J'espère que la lecture vous plaira. Si vous avec des remarques, des conseils d'écriture ou des retours positifs ou négatifs à faire, je vous encourage à les poster. Je ne changerai peut-être pas ce texte, mais tout me sera utile pour les futurs histoires que désormais je vais pouvoir raconter ! Very Happy

dwarf  Bonne lecture à tous, dwarf


Dernière édition par ethgri wyrda le Mar 20 Déc - 16:59, édité 1 fois

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Le Retour (ou histoire du clan du datia yawe) Empty Re: Le Retour (ou histoire du clan du datia yawe)

Message par ethgri wyrda Mar 20 Déc - 14:19


Le Retour


(ou Histoire du Clan Du Datia Yawë, deuxième partie)






Athel Loren

         Aux pieds des Montagnes Grises s’étend l’immense forêt d’Athel Loren. De cette grandiose et ancienne contrée sylvestre coulent les deux fleuves qui irriguent les terres de hommes, avant de se jeter dans le Grand Océan, à l’extrême ouest du continent.

         C’est de là que vinrent les elfes que l’on appelle les asraï, et qui s’installèrent en Athel Loren. Fuyant la guerre et la colère, ils s’étaient abrités sous les frondaisons comme des moineaux sous la pluie. La forêt les avait accueillis, protégés, et en échange, ils firent serment de la défendre de leurs vies.

         Certains dieux des elfes demandèrent de même asile à la Forêt, car en ce temps-là, le panthéon était troublé. Isha, la déesse mère et son conjoint Kurnous, le dieu chasseur, s’incarnèrent dans deux asraï, Ariel et Orion, et prirent sous leurs noms les titres de Reine et Roi d’Athel Loren. Depuis, ils gouvernaient les habitants de la forêt, sauf en hivers où ils sommeillaient dans leur palais, avec le reste de la nature.

         En ces temps-là, quand les éclaireurs des elfes sylvains s’aventuraient en direction de la mer à l’ouest, ils rencontraient les hommes. Ceux-ci commençaient à peine à s’unir sous la bannière d’un seul royaume, qui sera bien plus tard appelé la Bretonnie. C’était pour les hommes l’époque des légendes, le temps où une poignée de héros posaient à la pointe de la lance les bases de ce qui deviendra la Chevalerie. Ils gravaient les récits futurs avec un panache et une témérité qui surprenait les prudents des elfes des bois.

         Car les elfes sylvains étaient prudents, et discrets. Peu nombreux étaient les hommes à les avoir rencontrés, et moins nombreux encore ceux qui pouvaient se vanter d’être allés sur leur domaine. Les asraï gardaient farouchement la forêt contre tous les intrus. Et à force de tenir les étrangers éloignés, ils avaient fini eux-mêmes par ne plus quitter les bois que rarement.

         Le reste du monde ne leur tint pas rigueur de cet isolationnisme. Rares étaient ceux qui osaient entrer en Athel Loren. Et chacune de ces incursions était soigneusement éliminée par les elfes.

         Avec les siècles, la société elfique se cristallisa en de nombreux petits clans, sous la gouvernance de plusieurs royaumes. Tous les elfes étaient les vassaux d’Ariel et Orion, et tous sujets de la Forêt.

         L’un de ces royaumes était Fyr Darric. Ici plus qu’ailleurs, les elfes priaient Loec, le dieu des arts, de la musique et surtout de la danse. Ses adorateurs représentaient la majorité des bateleurs, des conteurs et des messagers d’Athel Loren. Un grand nombre d’entre eux étaient aussi de redoutables combattants, renommés pour aller à la bataille au rythme de la sarabande ou du ballet.


Dernière édition par ethgri wyrda le Mar 20 Déc - 16:59, édité 1 fois

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Le Retour (ou histoire du clan du datia yawe) Empty Re: Le Retour (ou histoire du clan du datia yawe)

Message par ethgri wyrda Mar 20 Déc - 14:30

L’histoire de Weldenmaëla



         Notre récit commence à époque où celle que l’on appelait Weldenmaëla prit la tête d’un des clans elfique de Fyr Darric. Weldenmaëla excellait dans les mises en scènes guerrières. Ceux qui voyaient sa chevelure rousse et sa haute silhouette tournoyer au cœur des combats savaient la victoire proche. Pour sa dévotion et sa beauté, elle fut surnommée la princesse de Loec, et son clan devint rapidement synonyme de prestige dans toute la Forêt. Les halls où le clan revenait entre chaque victoire étaient renommés pour la splendeurs des fêtes qu’on y donnait. Les arbres y étaient fleuris plus souvent qu’ailleurs disait-on.

         Hélas, une nuit, une armée se présenta à l’orée d’Athel Loren, et pénétra sous les frondaisons. C’était une armée venue de loin pour tuer de l’elfe. Ses bannières étaient élimées, et sombres étaient les armes de ses nombreux soldats.

         Peu de guerriers asraï étaient à même d’arrêter ces intrus. Alors les enchantements de la forêt tordirent les chemins de la forêt pour guider cette force maléfique vers Fyr Darric, et les halls du clan de Weldenmaëla. Deux jours après l’entrée de l’armée dans les bois, au petit matin, les elfes firent face. Les danseurs de Loec chargèrent les envahisseurs avec enthousiasme. Mais ils avaient sous-estimé la résistance de leurs ennemis, et ils furent repoussés une première fois. Mais piqués dans leur fierté, ils reprirent aussitôt leurs attaques, sans plus de succès. Ployant sous le nombre de leurs ennemis, les elfes furent forcés de reculer peu à peu à chacun de leurs assauts. Au soir, ils se battaient au cœur des halls où la veille ils esquissaient de bien plus paisibles pas de danse.

         Les combattants du clan furent tués les uns après les autres, emportant chacun une poignée d’ennemis. Et après toute une nuit de combat, il ne resta plus au milieu des ruines que Weldenmaëla. Elle était parvenue à trancher la tête du dernier envahisseur, mais il n’y eut pas de victoire ce jour-là, car il n’y avait plus autour d’elle que des piles de cadavres et des arbres mutilés.

         Alors, plongée dans deuil et le désespoir, Weldenmaëla erra dans la forêt. Ses talents étaient intacts, et sa gloire aussi. On vint donc la trouver de nombreuses fois pour combattre avec les défenseurs d’Athel Loren. Elle se battait alors avec un acharnement redoublé, et une sauvagerie effrayante. Elle se jetait dans les mêlées les plus dangereuses, fondait sur les combattants les plus redoutables, et triomphait chaque fois dans un tourbillon de lame. Alors on l’acclamait, et on l’invitait aux places d’honneur dans les festivités de victoire. Mais elle quittait chaque fois les fêtes prématurément, car sa peine était intacte. D’années en années, on la vit de moins en moins paraître dans les halls des elfes, et ses errances la menaient de plus en plus loin.


--~~***~~--

Comment Weldenmaëla fut maudite





         Au cours d’un de ses voyages, Weldenmaëla sortit d’Athel Loren. Ses pas la menèrent dans des terres humaines par-delà les montagnes. Dans ces contrées qu’elle ne connaissait pas, elle fut remarquée par les forces du Chaos, le mal incurable et vicieux qui sclérosait le monde. Le Chaos empli de curiosité envers cette elfe, lui tendit un piège au cœur d’une des grandes citées des hommes.

         Weldenmaëla ne connaissait presque rien du Chaos, si ce n’est que cette menace, pour elle si lointaine, existait depuis longtemps, et que ces forces sombres étaient souvent présentes dans le cœur des hommes. Alors, naïvement, elle tomba dans le piège. A peine avait-elle passé les murs d’une des villes des hommes, que toutes les forces de la cité se retournèrent contre elle, dévoilant la portée de la corruption qui gangrénait la ville. Mais les forces qui acculèrent la princesse de Loec ce jour-là ignoraient qui elles avaient pris dans leur filet.

         Alors que des forces démoniaques l’encerclaient, Weldenmaëla entama la plus grandiose danse qu’on vit jamais. Elle lacéra la foule des démons et des possédés qui l’entourait. Insaisissable, elle survolait ses ennemis, sabrant et tuant sur son passage. Ce fut une longue nuit, une sanglante nuit. Elle esquivait chaque minute des dizaines de coups, et en infligeait autant. Après plusieurs heures de bataille, elle parvint par atteindre le sommet de la citée et confronta la source de la corruption de la ville, un puissant magicien aux ordres des Dieux Sombres. Elle ne lui laissa pas la moindre chance de combattre et le frappa immédiatement de son arme. Hélas, le coup n’était pas assez fort, et avant de mourir, le mage eut le temps de lancer à l’elfe une malédiction. Elle fut touchée de plein fouet et s'effondra. Prise de nausées et soudain accablée par mille tourments, elle perdit connaissance. Elle n’eut que le temps d’entendre la voix du mage qui lui lançait dans un dernier râle :

         « Tu étais redoutable, Weldenmaëla, et la longévité des elfes coule dans tes veines. Mais avant de rejoindre mes maîtres, je te retire ces deux dons. Ton bras faillira quand tu en auras besoin, et ta vie sera courte. »

         Alors la danseuse perdit connaissance.


--~~***~~--

Weldenmaëla rencontre Skolir




         Mais la Forêt veillait sur ses enfants. Elle envoya des dryades, des créatures de sylve qui pouvaient voyager rapidement par des chemins cachés, pour ramener Weldenmaëla. Elles trouvèrent la princesse de Loec au sommet d’une tour en ruine, au milieu d’une citée en cendre. A quelques pas de son corps, il y avait une forme pourrie et déformée, les restes du magicien. Weldenmaëla était faible, mais en vie. Les esprits des forêts la portèrent en Athel Loren.

         Elle fut confiée aux soins de Durthu, un des doyens des arbres, une créature sage et presque aussi ancienne que la Forêt elle-même. Mais malgré toutes ses connaissances, il ne parvint pas à dissiper la malédiction qui entourait Weldenmaëla. Lorsque l’elfe s’éveilla, elle fut immédiatement saluée par le géant de bois, qui la veillait avec la patience des créatures de sylve et de sève :

         « Princesse de Loec, c’est un honneur de te recevoir, même si les circonstances sont funestes.
- Je vous reconnais, Durthu l’ancien. Est-ce à vous que je dois la vie ?
- Garde ta gratitude, car je n’ai pas réussi à te sauver. Pour éloigner ta malédiction, tu devras rester cachée du monde au plus profond de la Forêt, où le pouvoir du Chaos ne pourra pas t’atteindre. »

         Alors, en apprenant cela, Weldenmaëla maudit le Chaos, et tous ses sbires.

         Quand elle put à nouveau marcher, Durthu la guida vers les bosquets les plus reculés du sud d’Athel Loren. Cette partie du bois s’appelait Cythral, et peu d’elfes y vivaient car au fond des bois chassaient parfois des créatures aigries et rancunières qui, au contraire du reste de la forêt, n’avaient jamais accepté la venue des elfes.

         Les clans elfiques qui habitaient là avaient la tâche de surveiller ces bois sombres. Ces asraï étaient plus fermés leurs congénères du nord d’Athel Loren. Ils vivaient en petites communautés isolées, sous la suzeraineté lointaine de la reine du royaume de Cythral.

         Durthu et Weldenmaëla arrivèrent dans les collines escarpées d’Edur Edoc’sil, au sud-ouest du royaume. Ces terres étaient sous la garde du clan de forestiers que l’on appelait Du Datia Yawë. Il était dirigé par le chef Skolir. Celui-ci connaissait la réputation de la princesse de Loec, et l'accueillit avec joie dans son clan.

         Weldenmaëla habita d’abord chez Ignasia, la jeune guérisseuse du clan. Ainsi, elle pouvait recevoir des soins rapidement, car elle subissait parfois d’imprévisibles crises de douleur et de faiblesse qui la laissaient aux portes de l’évanouissement. Ignasia atténuait ces sursauts de sa maladie grâce à ses connaissances des herbes et des filtres, sans jamais totalement faire disparaître le mal.

         Skolir s’inquiéta au départ que la sobriété du mode de vie des clans de Cythral ne répugne à cette guerrière à l’éclatante réputation. Ses craintes se dissipèrent rapidement, car la princesse de Loec ne montrait aucun signe de malaise ou d’ennui. Au contraire, elle semblait curieuse de tout ce qu’elle ne connaissait pas, et avide d’apprendre les coutumes des forestiers. Weldenmaëla s’était en parti résignée à sa nouvelle vie.

         Skolir passait souvent chez Ignasia pour prendre des nouvelles de son invitée. Plus le temps passait, plus ses visites s'allongeaient, et plus les discussions qu’il avait avec elle devenaient personnelles. Ignasia nota les yeux timides du chef du clan quand ils se posaient sur le visage et la chevelure de Weldenmaëla, mais la guérisseuse ne fournit que des réponses énigmatiques aux elfes qui l’interrogeaient sur son sourire amusé.

         Aussi loin au cœur de la forêt, Weldenmaëla reprit rapidement des forces. Ses crises s'espacèrent de plus en plus. Son bras ne retrouva jamais la vigueur qu’il avait, mais elle apprit rapidement les méthodes subtiles des forestiers de Skolir. Elle reçut un arc afin de combattre de loin, et une cape pour se dissimuler, car telles étaient les tactiques des forestiers de ces contrées. Après un an, elle put participer aux surveillances et aux traques du clan qui l’avait recueillie. Skolir l’emmenait régulièrement dans les longues patrouilles que lui et les siens devaient faire dans les sentiers les plus sombres d’Athel Loren.

         Une autre année passa. Les sentiments que Skolir avait pour Weldenmaëla devenaient de plus en plus visibles, et en retour celle-ci développa pour lui une affection réelle et profonde. Quand la neige tomba sur Educ Edoc’sil pour la deuxième année suivant l’arrivée de Weldenmaëla, Skolir lui demanda sa main. Weldenmaëla accepta avec joie, et ils se marièrent aux premiers jours du printemps. Skolir et Weldenmaëla devinrent alors chefs consorts du clan Du Datia Yawë. Ils étaient toujours proches lors des chasses dans les futaies sombres, et inséparables lors des fêtes dans les halls du clan.

         Avec le temps, Weldenmaëla devint nostalgique de Fyr Darric. Elle ne pouvait s'empêcher de se rappeler de l’éclat des célébrations en l’honneur de Loec. Elle en parla à Skolir, qui lui proposa d’initier quelques forestiers au culte du dieu de la danse. Weldenmaëla le fit avec enthousiasme. Ces premiers danseurs s'empressèrent de démontrer leurs talents nouvellement acquis dans des démonstrations d’adresse qui remplirent d’admiration leurs spectateurs. Rapidement, on entendit parler des danseurs de guerre d’Educ Edoc’sil dans tout Cythral, et même au-delà. Ces nouveaux adorateurs de Loec en vinrent même à organiser quelques fêtes flamboyantes semblables à celles que Weldenmaëla avait décrite, et tous ceux y assistèrent furent éblouis. Une partie des combattants du clan laissèrent l’arc pour l’épée ou la lance des danseurs. Ils continuaient leur garde des bois sombres, mais ils s’opposaient aux créatures belliqueux par l’escrime et l’adresse, et non plus seulement par la flèche et l’embuscade.

         Weldenmaëla se réjouit du succès de la diffusion de ses arts parmi les elfes du clan. Mais d’autres préférèrent conserver les anciennes pratiques, de crainte d’attirer l’attention d’ennemis qu’ils ne pourraient pas stopper. Skolir était de ceux-là. Si il avait d’abord été favorable aux projets de son épouse, et ne s’opposa jamais à elle au sujet des danseurs de guerre, il ne pouvait pas s’éloigner lui-même des traditions qu’il avait suivies plusieurs décennies. Il lui arrivait parfois d’être mal à l’aise face à l’exubérance et à la splendeur déployée par la princesse de Loec et les siens.


--~~***~~--

La naissance d’Aiedail



         Quinze ans après l’arrivée de Weldenmaëla en Cythral, elle et Skolir eurent une fille. Les deux chefs furent transportés de joie par cette naissance, et le forestier assista même exceptionnellement aux festivités en l’honneur de Loec qui furent données pour fêter cette naissance. Malgré sa fatigue, Weldenmaëla dansa ce jour-là, et Skolir monta sur la scène au milieu du clan en liesse pour l’accompagner avec un air de flûte. Ils appelèrent leur fille Aiedail. Elle avait les cheveux sombres de son père, et comme lui elle devint avare de paroles en grandissant. Mais elle avait de sa mère le tempérament guerrier, et une préférence pour les actions d’éclat plutôt que pour la ruse.

         Skolir et Weldenmaëla annoncèrent peu après à leur clan qu’Aiedail serait officiellement leur héritière, et que la charge de cheffe du clan lui reviendrait donc de droit un jour. La plupart des elfes du clan approuvèrent cette décision, car les chefs consorts étaient aimés et respectés, et tous étaient confiants dans les qualités et la sagesse qu’ils sauraient transmettre à leur fille. Cependant, quand cette nouvelle parvint à Tal Drost, la capitale du royaume de Cythral, elle n’entraina pas le même enthousiasme : Dame Drihel, la reine, et suzeraine du clan, n’appréciait guère Weldenmaëla, dont elle jalousait la renommée, et craignait l’indépendance. Contrairement à la coutume elle n’envoya donc aucun courrier à ses vassaux d’Educ Edoc’sil après la naissance d’Aiedail pour féliciter ses parents. Mais Skolir et Weldenmaëla n’y prêtèrent pas attention, car Tal Drost était loin.

         La naissance d’Aiedail fut visible dans les astres. Les vents de magie soufflèrent fort depuis l’ouest, et les constellations qu’observaient les astrologues parlèrent de gloire et de malheurs. Mais personne ne sut lier ces messages à la naissance de la fille des chefs d’un petit clan du sud d’Athel Loren.


--~~***~~--

L’enfance d’Aiedail





         Aiedail grandit sous la surveillance attentive de ses parents. Chacun d’eux, à son tour, lui apprenait ses us et coutumes. Avec Skolir, elle apprit à lire les traces laissées dans les bois, sur la terre et dans les branches. Elle maitrisa l’art de l’arc dès son enfance, et le camouflage lui devint rapidement intuitif. Il lui fit connaître les secrets du domaine d’Educ Edoc’sil, et quand elle fut en âge d’explorer seule, elle partit souvent dans ces collines pour chasser à l'affût ou simplement rêver dans les lieux qu’il lui avait montrés. De sa mère, elle apprit comment tenir une épée à la manière des danseurs de guerre. Elle aimait parfois se joindre aux parades des adeptes de Loec. Aiedail sut rapidement reconnaître et jouer de chacun des instruments dont elle disposait aux halls du clan. Elle fut confiée quelques temps à Ignasia, la guérisseuse, pour apprendre la science des plantes et de la guérison. Mais la jeune princesse n’avait pas la minutie que requiert ces choses-là.

         Comme tous les enfants des asraï, Aiedail montra quelques affinités avec les vents de magie. Parfois, ses rêves lui montraient des choses qui furent ou qui seront, d’autres fois la nature autour d’elle bruissait d'étranges manières. Chez la plupart des elfes, ces signes se dissipaient la plupart du temps lorsque qu’ils atteignaient l’âge adulte. Mais chez d’autres, ils devenaient au contraire de grands pouvoirs qu’il fallait apprendre à canaliser au plus tôt. Si au sein du clan, Ignasia et quelques danseurs de guerre étaient capables de quelques tours de magie bénins, aucun elfe du clan n’avait le savoir suffisant pour identifier chez Aiedail une quelconque destinée d’enchanteresse.

         Weldenmaëla et Skolir invitèrent donc le mage Erisdar. Celui-ci était un magicien de grand renom originaire du sud du royaume de Talsyn, mais qui avait beaucoup voyagé dans toute la forêt. Ce tisseur de charmes spécialisé dans le vent de magie de Ghur, la bête, avait été accueilli plusieurs fois en Educ Edoc’sil. Il considérait Skolir comme un ami fidèle et, bien qu’il désapprouvât le culte de Loec initié par Weldenmaëla, qu’il trouvait trop exubérant pour le royaume de Cythral, il s’était aussi lié d’amitié pour elle.

         Erisdar répondit à l’invitation du forestier, et il arriva aux halls du clan peu après le dixième anniversaire d’Aiedail. Il ne reconnut pas en Aiedail les signes d’une future magicienne. Mais certaines perturbations dans les vents de magie qui entouraient la petite elfette l’intriguèrent suffisamment pour qu’il prit la décision de repasser régulièrement au clan. A chacun de ses passages, il s’entretenait longtemps avec Skolir et Weldenmaëla au sujet des nouvelles du monde extérieur et des autres royaume. Mais Erisdar ne parla jamais de ses observations de l’aura d’Aiedail à ses hôtes, car il n’avait rien remarqué de certain, et ne souhaitait pas inquiéter inutilement ses amis.

         Aiedail grandit ainsi pendant plusieurs années. Entourée de l’attention de ses parents, surveillée par Ignasia, par les danseurs et les forestiers du clan, elle devint rapidement presque aussi grande que sa mère, et était appréciée de tous. Même si elle était peu loquace, quand elle parlait elle savait quels mots adresser aux uns ou aux autres pour s’attacher leur respect.

         A mesure qu’elle grandissait, elle passa de plus en plus de temps au milieu des rondes des adeptes de Loec. Elle aimait leurs chants, écouter leurs histoires, particulièrement celles qui narraient les hauts faits de sa mère. Elle ne cessa jamais d’accompagner son père à la chasse et lors des traques, mais préférait sensiblement la compagnie joyeuse des danseurs à celle plus taciturne des forestiers.


--~~***~~--

Ce qui vint des montagnes


         A cette époque-là, les hommes à l’ouest de la Forêt découvrirent de nouvelles manières de façonner le métal et d’enrichir l’acier. Les forges se multipliaient sur leurs terres, et grâce à la qualité nouvelle de leur fer, les chevaliers humains purent reprendre de plus belle la purification de leurs terres contre les forces du Chaos. Chez eux, la principale manifestation de ce mal était la présence de créatures mutées et cruelles appelées hommes-bêtes, car elles étaient de sombres parodies tant des humains que des animaux. Et les hommes, grâce à leur courage, à leur foi, et à leurs armes, parvenaient petit à petit à chasser ces horreurs.

         Pour satisfaire leur besoin de métal, les humains eurent besoin de trouver de nouveaux gisements de fer et de cuivre où construire de nouvelles mines.

         Or, à l’est d’Athel Loren, sous les sommets enneigés des Montagnes Grises, vivaient les Nains. Ils avaient bâti dans la pierre d’immenses galeries et de puissantes forteresses. Bien que voisins, elfes et nains se détestaient. Les elfes craignaient les haches et le feu des forges naines, quand les nains gardaient rancunes des trahisons que les autres peuples ont oubliées.

         Les nains étaient un peuple de prospecteurs et de mineurs, et leurs connaissances de la pierre étaient sans égale dans le monde entier. Quand ils eurent vent de la demande des hommes, et de la richesse des quelques veines ferreuse et aurifères qui avaient déjà été mises à jour, de nombreux nains répondirent à l’appel de l’ouest.

         Les premières expéditions naines depuis les montagnes pour rejoindre les terres des hommes contournèrent prudemment Athel Loren et ses dangers. Mais très vite certains groupes de nains tentèrent de trouver des chemins plus courts en coupant au travers des sous-bois. Chaque saison, de plus en plus de caravanes de nains descendaient des montagnes directement au travers du territoires des elfes sylvains.

         Alors les asraï multiplièrent leurs embuscades. La plupart des troupes de nains qui s’aventuraient dans la forêt ne ressortaient jamais. Mais cela ne découragea pas le peuple des montagnes. Poussés par leur amour de l’or, par leur ténacité, et par leurs rancunes contre les elfes, ils continuèrent leurs caravanes, en formant des groupes plus nombreux, mieux protégés, et surtout mieux armés. Des combats entre les elfes et les nains eurent lieu dans presque tous les royaumes sylvestres, à mesure que les nains parvenaient plus profondément dans la forêt.

         Une de ces expéditions naines était menée par Tokred Pas-Lourd, un guerrier vétéran qui avait longtemps affronté les gobelins dans les montagnes. Il guidait une force d’une cinquantaine de guerriers, qui eux-mêmes encadraient le même nombre de prospecteurs. Ils entrèrent sous les frondaisons. Face à une telle force, la Forêt décida d’abord de perdre les nains en les entraînant sur des chemins étroits et tortueux. Mais les nains étaient braves, et ils continuèrent leur voyage imperturbablement. A force de s’enfoncer dans les bois, ils furent effectivement égarés au plus profond d’Athel Loren. Or, Tokred était hargneux, et il poussa sa troupe à continuer plus avant. Il défiait les maléfices de la Forêt. Et son avancée à l’aveugle le mena après plusieurs semaines en Edur Edoc’sil.


--~~***~~--

La mort de Skolir




         Quand les éclaireurs du clans repérèrent les nains, et apportèrent en urgence la nouvelle au hall, la peur et la panique s’empara des elfes. Nombreux furent ceux qui proposèrent de quitter les collines pour fuir ailleurs, le temps que la menace s’éloigne. Mais Skolir n’était pas de ceux-là, et il préconisa plutôt de tendre plusieurs embuscades aux nains, afin de les ralentir et de diminuer leur nombre. Mais les premières attaques des elfes ne firent que renforcer la détermination des nains. Les flèches rebondir sur leurs armures, et ils continuèrent leur marche droit devant eux. L’agitation des asraï s’accrut, et quand la foule s’assembla dans les halls du clan, Skolir ne parvint pas à la calmer. Alors Weldenmaëla, qui avait participé à chacun de ces premiers assauts, prit la parole :

         « Amis ! Ne sombrons pas dans la peur ! Ce que l’arc n’a pas pu faire, l’épée le fera. Je mènerai tous ceux qui le souhaitent contre ces envahisseurs. Suivez-moi ! »

         A ces mots, la plupart des elfes reprirent espoir, et coururent chercher qui une épée, qui une lance. Mais Skolir avait blêmit en entendant les mots de son épouse, car il se rappelait la malédiction de Weldenmaëla, et il craignait pour la vie de son aimée. Il prit Weldenmaëla à parti chez eux quand alors qu’elle s’armait de ses lames de danseuse de guerre.

         « Weldenmaëla, je t’en prie, ne commet pas d’imprudence. Reste ici, et laisse-moi mener nos forces.
- Skolir, n’en prend pas ombrage, mais tu ne pourras guider leur ardeur comme je l’ai déjà fait maintes fois. Moi seule saura les mener au combat demain.
- Je le sais, et je sais aussi que tes victoires furent innombrables. Mais n’oublie pas le sort qui a été lancé sur toi.
- Je ne me soucie pas de la malice du Chaos, car je sens que j’ai repris les forces que j’avais autrefois. Je sais toujours manier mon arme, et elle va à nouveau connaître le combat.
- Alors je viens avec toi mon aimée. Car je ne veux pas te savoir seule au milieu de nos ennemis. Et je délaisserai mon carquois pour un fourreau, car c’est ainsi que tu veux nous emmener combattre »

         Le lendemain, la colonne de nains s’aventura dans un défilé étroit. La brume flottait dans cette vallée aux bords raides, et le soleil commençait à peine à se lever. Le clan Du Datia Yawë, rassemblé de part et d’autre du défilé, chargea sur un signe de Weldenmaëla. Presque tous étaient venus, car ils étaient galvanisés par les paroles de la princesse de Loec. Le choc fut rude, et la parade des danseurs de guerre disloqua sur le coup la formation des nains. Les elfes avaient appris lors des jours précédents à reconnaître la résistance des nains, et ils avaient donc choisi de frapper fort au cœur de la troupe adverse. Weldenmaëla était à la pointe de l’assaut. Elle portait des peintures de guerre qu’elle n’avait plus arboré depuis des années, et sa chevelure flamboyante était un point de ralliement dans la bataille. Elle était une tornade de lame, un torrent de coups, et sur son chemin rares étaient les nains à parer ses bottes dansées. A ses côtés, Skolir ne déméritait pas. Son adresse dans la mêlée était loin d’égaler celle de son épouse, mais son bras était sûr, et sa volonté forte. Il frappait et frappait encore contre le bouclier des nains, jusqu’à ce que son adversaire faiblisse et qu’il puisse porter l’estocade finale. Autour d’eux, la résistance des intrus était sur le point de faillir, et déjà quelques pleutres lâchaient leurs armes et fuyaient dans les bois.

         Mais depuis l’avant de la colonne, Tokred Pas-Lourd était comme un bloc inamovible face à l’embuscade. Son armure brisait toutes les lames que son bouclier ne bloquait pas, et sa hache fauchait méthodiquement chaque elfe qui approchait de trop près. Le commandant nain se retourna vers ses arrières et son œil expérimenté repéra immédiatement les chefs de clan elfique. Il fit volte-face et chargea Weldenmaëla. Mais il n’était pas de taille face à la princesse de Loec. En deux gestes, sa hache fut déviée, et la main qui tenait son bouclier fut tranchée. Tokred s’effondra à genoux, à la merci de la princesse de Loec. Hélas, c’est à ce moment décisif que l’effort fourni par le combat réveilla les faiblesses de la guerrière. Elle fut brutalement frappée de douleur et d’épuisement. Terrassée, elle tomba au sol, inconsciente.

         Les blessures du nain n’étaient pas mortelles, et il se releva immédiatement. Skolir, qui gardait les arrières de son épouse, se jeta alors sur lui, l’épée levée. Tokred intercepta la frappe avec son avant-bras, et la lame elfique crissa sur l’armure du nain. La riposte du nain emporta les jambes du forestier qui tomba lourdement à terre. Tokred frappa au sol, et tua Skolir sur le coup. Puis, il se tourna vers le reste du combat. Il appela ses guerriers par leurs noms et rallia autour de lui quelques-uns de ses combattants. Ne voyant plus la cape sombre de Skolir ou la chevelure de Weldenmaëla, les elfes furent pris d’effroi, et nombre d’entre eux abandonnèrent le combat.

         C’est alors qu’au milieu du combat, Aiedail retira la capuche qui cachait ses traits. Elle avait suivi ses parents à la bataille, et avait mené le combat avec eux à leur insu.

         « Que l’héritière du clan Du Datia Yawë voit rougir l’éclat de vos épées ! » lança-t-elle. Et, enhardis par son appel, les elfes levèrent leurs armes au ciel. Ils poussèrent un cri de guerre et se jetèrent à nouveau au combat. Cette ultime attaque eut raison du dernier carré des nains. Aiedail acheva elle-même un Tokred gravement blessé, en fendant d’un même coup le casque et le crâne du nain.

         Le désespoir d’Aiedail fut immense quand elle retrouva les corps de son père et de sa mère sur le champ de bataille. Elle tomba à genoux, le visage figé, et ne prononça pas un mot pendant les heures qui suivirent. Comme une somnambule, elle suivit le reste du clan qui rentrait aux halls en portant les corps de leurs chefs. Ignasia accourut à leurs chevets. Elle constata d’une voix blanche la mort de Skolir, et prodigua avec urgence des soins à Weldenmaëla. Il y eut de nombreux cris de tristesse ce soir-là, au fur et à mesure que les noms des morts étaient portés par la rumeur de foyer en foyer. Skolir et les autres elfes tombés ce jour-là furent enterrés au pied de l’immense chêne qui couvrait de son feuillage les halls du clan.


--~~***~~--

Le voyage





         Par chance, Weldenmaëla survécut. Les talents d’Ignasia stabilisèrent son état au surlendemain de la bataille. Elle rouvrit brièvement les yeux deux jours plus tard, et parla dans la soirée du quatrième jour après le combat. En apprenant la nouvelle de la mort de Skolir, elle pleura amèrement, et demanda à être laissée seule. Les elfes obéirent immédiatement, et le grand hall des chefs devint silencieux. Durant les jours suivants, mis à part Ignasia, Aiedail fut la seule à entrer dans le foyer des chefs du clan. La petite elfe passait chaque jour la grande porte de bois avec de quoi nourrir sa mère qui restait à l'intérieur. Quand elle ressortait, ses yeux étaient secs d’avoir trop pleuré.

         Après un mois, les forestiers et les éclaireurs retournèrent patrouiller les chemins sombres de Cythral, car leur veille ne pouvait pas s’interrompre plus longtemps. Le reste du clan restait silencieux. Les halls étaient vides. Il y avait toujours quelques elfes au pied du grand chêne en train de prier les morts de la bataille.

         Petit à petit, les danseurs de Loec reprirent leurs chants. Des chants tristes d’abord, qui touchaient les cœurs en ces jours de deuil. Mais tout tristes qu’ils étaient, cette musique attira les elfes hors de chez eux. A mesure que les assemblées qui écoutaient leurs litanies grandissaient, les danseurs ajoutèrent des touches de gaieté à leurs histoires. Des souvenirs bénins, des promesses faciles d’avenir meilleur. Puis ils reprirent les sagas et les contes qui avaient le plus de succès, ainsi que des légendes pour les enfants le soir. Et finalement, ils retournèrent à leurs chants les plus festifs comme avant. C’est ainsi que lentement les elfes cicatrisèrent leurs tristesses et revinrent à un semblant de joie .

         Mais les blessures étaient encore trop vives pour certains. Aiedail, qui aimait tant les représentations des danseurs, ne paraissait pas. Elle partait errer dans la forêt et ne passait aux halls qu’une fois chaque jour pour aller voir sa mère dans leur foyer. Ceux qui la connaissait s'inquiétaient pour elle, mais ils n’osaient pas aller la voir tant la fille de leurs chefs semblait éviter toute compagnie.

         Un soir, un messager arriva en Edur Edoc’sil et demanda à voir Weldenmaëla pour lui transmettre une lettre de Dame Drihel. On reconnut Erisdar le mage, et il fut conduit à la maison de Weldenmaëla. Il entra seul, car les elfes du clan n’osaient pas déranger leur cheffe. Erisdar trouva la princesse de Loec au dernier étage de la bâtisse, assise au bord d'une fenêtre. Quelques pas plus loin, il remarqua un sac de voyage et des armes empaquetées qui attendaient. Le magicien salua Weldenmaëla :

         « Vous avez mes condoléances. Pour Skolir, et pour tous les autres. Je partage votre tristesse.
- Je vous remercie, Erisdar. j’aurais souhaité vous accueillir dans d’autres circonstances, et pas seule.
- Je suis venu vous transmettre un message de votre suzeraine, Dame Drihel.
- Il n’est pas dans vos habitudes de servir la reine, s’étonna Weldenmaëla.
- J’ai tenu à venir vous voir quand j’ai appris la nouvelle. Skolir était mon ami, et sa perte est immense pour moi aussi. Ma route m’a fait passer par Tal Drost, où la reine m’a confié cette lettre pour vous. Elle m’a informé de son contenu : Ses condoléances vis-à-vis d’un vassal, ainsi qu’une convocation devant le conseil de Tal Drost. »

         Erisdar donna à Weldenmaëla une lettre, que la cheffe parcourut sans hâte. Puis, elle la posa à côté d’elle et, le regard dans le vide, elle annonça à Erisdar :

         « Voilà plusieurs jours que je veux partir, et que je ne l’ose pas. Cette nouvelle que vous m’apportez me force à réaliser mes plans.
- Quels sont vos plans, Dame de Loec ?
- Quand les nains sont venus, je n’avais pas réalisé qu’ils apporteraient avec eux la souillure de l’extérieur. En tuant Skolir, ils ont marqué ces terres et désormais, je ne suis plus à l'abri en Cythral, le lieu le plus sûr que j’avais. Ma malédiction ne me quittera plus désormais. Je vais mourir, Erisdar, et je ne veux pas mourir ici. Je veux revenir à Fyr Darric, où j’ai vécu enfant, et là-bas seulement quitter ce monde et rejoindre les esprits.
- Vous ne me dites qu’une partie de vos plans, mon amie. Je sens vos pensées voilées par d’autres projets.
- J’emmène Aiedail avec moi, répondit Weldenmaela. Ma fille doit voir le pays d’où je viens, et d’où elle aussi vient. Avant de partir de ce monde, je veux lui montrer les collines où j’ai vécu, dansé et combattu jadis.
- Est-elle au courant ? S’inquiéta le magicien.
- Je lui ai tout dit, et elle me presse de partir depuis plusieurs jours. La douleur qu’elle ressent ici est forte, et elle espère que voir le monde atténuera sa peine.
- Elle est sage de penser cela » commenta Erisdar « Weldenmaëla, laissez-moi vous accompagner. La route est longue et difficile jusqu’en Fyr Darric. Vous pourriez avoir besoin de moi, et je veux rembourser la dette que je ressens envers Skolir, mon ami, que je n’ai pas aidé quand il en a eu besoin.
- Je perçois que ce n’est pas la seule raison de votre proposition, questionna la cheffe de clan. Il n’y a jamais qu’une explication à vos actions, me disait mon époux. Pourquoi voulez-vous m’accompagner ?
- On ne vous cache rien, Princesse de Loec, répondit Erisdar avec un sourire triste. Je fais des rêves sombres qui m’appellent au nord, au-delà de Fyr Darric. La route est en partie la même que la vôtre, alors nous pouvons cheminer ensemble. »

         Erisdar ne dit pas qu’il avait une troisième raison de venir, et celle-ci concernait Aiedail, car le magicien était toujours intrigué par la manière dont les vents de magie agissaient autour d’elle. Il la croisa ce soir-là, alors qu’elle revenait en son foyer. Il sentit immédiatement qu’autour de la jeune elfe, la magie tournoyait comme la flamme autour d’une branche sèche.

         Le lendemain, Weldenmaëla sortit. Elle alla voir les danseurs de guerre et écouta avec les autres leurs histoires. Elle visita les familles qui avaient perdu des proches dans la bataille, et pour chacun d’eux elle eut des paroles réconfortantes. Le soir venu, elle passa à la maison d’Ignasia :

         « Ma chère et fidèle amie, je suis ta débitrice pour tout ce que tu as fait pour moi ces dernières années.
- Princesse de Loec, d’autres mots d’introduction ne sont pas utiles. J’ai parlé avec Erisdar ce matin, et lors de ma dernière visite j’ai vu les affaires que vous avez préparées. Je connais votre projet de départ, et je ne veux rien de plus que vous accompagner. Mon sac est prêt, j’y ai mis toutes les baumes et les philtres dont vous aurez besoin. Quand partons-nous ?
- Ignasia ! Chère et fidèle amie ! Tes paroles réchauffent mon cœur ! Je devais t’annoncer mon départ pour cette nuit, et cela rendait mon voyage douloureux, mais puisque tu viens, il sera un peu plus heureux.
- Tout comme l’est pour moi l’idée de vous aider une nouvelle fois, Weldenmaëla. » répondit la guérisseuse. Et elles s’enlaçèrent.

         Quelques heures plus tard, la nuit tomba sur Edur Edoc’sil. Il faisait noir, car la lune ne s’était pas levée. Weldenmaëla, suivie d’Aiedail, Ignasia et Erisdar, se glissèrent entre les arbres, et quittèrent la clairière du clan sans un bruit. Mais avant de totalement disparaître entre les arbres, Aiedail se retourna pour lancer un dernier regard aux arbres et aux maisons qui constituaient le cadre de son enfance révolue. Ses souvenirs complétaient ce que la pénombre masquait des maisons élancées adossées aux troncs des chênes. Elle se rappelais plus qu’elle ne les voyait les grands arbres aux branches torsadées et les fanions de couleur qui décoraient les halls. C’est alors qu’elle aperçut une personne qui accourait vers eux depuis le village, et elle reconnut Finiarel, le plus jeune de tous les adeptes de Loec du clan.

         Il n’était pas le plus talentueux des danseurs, mais il s’était fait connaitre par les tours de passe-passe avec lesquels il agrémentait ses spectacles. Il était d’âge proche d’Aiedail, et se comptait parmi les amis qui l’accompagnaient souvent dans les festivités. Finiarel portait sur le dos un paquetage léger et des armes enveloppées dans des chiffons. Il interpella Weldenmaëla d’une voix suppliante :

         « Dame Weldenmaëla, Princesse de Loec ! Ne partez pas sans moi ! Je vous ai vu par ma fenêtre qui rejoigniez la route, sans doute pour Tal Drost, Fyr Darric ou que sais-je, mais ne me laissez pas derrière ! Votre histoire doit être connue, racontée, et dansée dans les halls quand elle sera terminée, et je veux être celui qui le fera ! »

         Alors Weldenmaëla n’eut pas le cœur de le renvoyer. Elle lui fit signe de les suivre, et ils disparurent entre les arbres, hors de vue désormais des foyers du clan.


Dernière édition par ethgri wyrda le Mar 20 Déc - 16:13, édité 2 fois

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Message par ethgri wyrda Mar 20 Déc - 16:10

Voyage aux frontières de Cythral



         Pour ceux qui ne voyageaient que d’un village à l’autre, ou pour ceux qui entraient sur ces terres, Cythral paraissait n’être un petit royaume, où les routes étaient droites et les voyages aisés. Ceux-là ne comprenaient pas qu’on appelle Cythral le royaume-prison. Mais pour ceux qui voulaient en partir, la voie était sinueuse, longue, et étroitement surveillée. Car en ces bois étaient retenues des créatures des bois haineuses et irascibles, et un charme avait été lancé par les elfes de ce royaume, afin d’allonger les chemins, distord la distance, et décourager le départ de ceux qui voudraient quitter Cythral. Weldenmaëla, comme tous les elfes qui vivaient là, le savait. La princesse de Loec avait prévu qu’elle et ses compagnons mettraient près de trois semaines à rejoindre la capitale.

         Il n’y avait pas eu d’autres incursions de nains depuis la bataille. Mais les bois n’étaient pas devenus sûrs pour autant. Profitant que les elfes gardiens étaient occupés, les créatures des bois isolées au plus profond du royaume s’étaient agités. Elles se regroupaient en petits groupes et s’infiltraient entre les villages des elfes afin de tromper leur surveillance et tenter de rejoindre les autres royaumes d’Athel Loren. Ces bandes attaquaient les imprudents qui se laissaient surprendre par leurs assauts, les caravanes et les sentinelles postées sur les voies de passage.

         Educ Edoc’sil, au sud-ouest de Cythral, était relativement épargné : les créatures qui traversaient ces collines ne pouvaient arriver qu’au royaume d’Athylwyth, une terre glaciale et inhospitalier. Peu de créatures prenaient cette voie. En revanche, le nord du royaume permettait d’accéder aux riches bois de Talsyn, le plus prospère des royaumes d’Athel Loren. Logiquement, c’était là que les elfes avaient bâti la cité-forteresse de Tal Drost, capitale de Cythral, afin de garder ce territoire. Mais sur une terre aussi boisée et vallonnée qu’Athel Loren, cette surveillance n’était jamais totalement efficace.

         L’agitation des créatures des bois n’était pas la seule menace pour les voyageurs. Pour répondre à l’augmentation des passages, les patrouilles avaient été renforcées. Des rôdeurs armés de lourdes haches de bûcherons, arpentaient les bois sauvages à la poursuite des créatures de sylve renégates. Mais ces très zélés protecteurs étaient aussi craints des elfes, car ils étaient prompts à soupçonner chacun d’être un changeur de forme ou un elfe sous le charme d’une dryade, et il leur arrivait trop souvent de s’en prendre à des innocents au moindre doute.

         Weldenmaëla guida donc ses compagnons sur des chemins prudents et détournés. Ils se cachaient souvent, évitaient certains villages, et marchaient plus souvent hors des chemins que dessus.

         Les nuits se rafraichissaient vite en cette saison. Erisdar n’était pas habitué à dormir à la belle étoile, et le moral de Finiarel était particulièrement affecté par la nécessité de garder le silence lors de leurs marches. Les deux elfes, bien que de caractères très différents, insistèrent donc pour faire halte dans les halls des clans qu’ils savaient amicaux, et Weldenmaëla céda plusieurs fois à leurs demandes. Elle prenait alors auprès des habitants des nouvelles des patrouilles et adaptait la route jusqu’à la prochaine étape.


--~~***~~--
Le duel de Finiarel




         Weldenmaëla se fatiguait rapidement, et Ignasia faisait souvent arrêter le groupe pour pouvoir reposer la cheffe du clan. La guérisseuse en profitait quand c’était nécessaire pour lui faire boire une des petites fioles qu’elle avait apportées. Celles-ci redonnaient à Weldenmaëla assez de force pour atteindre l’étape du jour, mais alors la princesse de Loec était rattrapée le soir par la fatigue de la journée, dès que le philtre cessait de faire effet.

         Les collines escarpées d’Edur Edoc’sil laissèrent place à un relief plus plat. Des petits cours d’eau ralentirent la marche, et ils devinrent plus nombreux, et plus larges, à mesure que les compagnons se rapprochaient du fleuve Brienne, qui délimitait la frontière nord du royaume. La forêt changeait aussi : les clairières devenaient plus grandes, et les chênes cédèrent la place à de petits conifères à l’écorce grise.

         Alors qu’ils n’étaient plus qu’à trois jours de marche de Tal Drost, et qu’ils s’apprêtaient à monter le camp dans une clairière, les cinq voyageurs entendirent soudain le bruit d’une trompe. Ils étaient trop fatigués, les jambes trop lourdes, pour tenter de fuir. Ils se mirent en cercle et tirèrent leurs armes. Quelques instants plus tard, ils furent encerclés par une dizaine de rôdeurs. Les patrouilleurs étaient trop loin pour les frapper de leurs haches, mais ils s’étaient placés de manière à couper toute tentative de fuite.

         Celui qui paraissait être le chef du groupe interpella alors les voyageurs :

         « Je reconnais le visage de la cheffe Weldenmaëla d’Edur Edoc’sil, mais trop de changeurs de formes errent dans nos bois. Que chacun de vous s’entaille la main, et nous montre de quel sang il est fait. Si vous saignez, et êtes bien des elfes, nous vous laisserons partir.
- Septique protecteur des elfes, intervint Finiarel d’une voix courroucée, votre demande m’insulte. Je vois des histoires dans mes cicatrices, des preuves de coups reçus face à des évènements trop grands pour être évités. Que dirais-je si on me demande quelle aventure me l’a infligé ? Que j’ai cédé à un ordre lancé par un inconnu ? On se rira de moi !
- Votre remarque vous honore si vous êtes qui vous dites être, mais ne vous sauvera pas si vous ne l’êtes pas.
- Je vous propose un duel, porteur de hache, car il n’y a qu’ainsi que je pourrai justifier d’une blessure. »

         « Porteur de hache » était un nom injurieux pour les asraï, le rôdeur accepta le défi. Il descendit dans la clairière et se mit en garde. Le reste de sa patrouille resta en place autour de la clairière.

         « Ce rude patrouilleur n’est pas aussi civilisé que son langage le laisse paraître, confia Finiarel à ses compagnons avant le combat. J’ai blessé son orgueil en défiant son ordre, et il est peu probable qu’il se contente d’une goutte de sang pour mettre fin au duel. Si je perds, abandonnez-moi au sol, laissez mes affaires ici, et rejoignez Tal Drost au plus tôt. Je vous rattraperai. »

         Puis, laissant ses compagnons sur ces dernières paroles, il marcha vers son adversaire. Finiarel était équipé très légèrement, à la manière des danseurs de guerre : habillé seulement d’un pagne et de quelques peintures de guerre, il avait tiré de son paquetage une courte épée au fin tranchant. Son adversaire maniait une bardiche capable de trancher aisément bois et os, et portait une armure de cuir bouilli. Ils coururent l’un sur l’autre. Le danseur de guerre était léger et rapide. Il lança plusieurs assauts tantôt à droite, tantôt à gauche. Mais le rôdeur était un combattant expérimenté. Il para tous les coups de Finiarel les uns après les autres, et ne riposta que rarement en balayant l’espace de son arme. L’une des bottes du danseur de guerre lui permit de passer sous la garde du rodeur, et de planter son arme peu profondément sous sa hanche, avant d’être repoussé par un moulinet de la bardiche. Une gerbe de sang jaillit du flan du rôdeur et éclaboussa l’herbe au sol. Mais l’elfe blessé se remit immédiatement en garde, avec une grimace.

         Le combat se prolongea quelques minutes, et il devint évident que Finiarel fatiguait, alors que son adversaire, endurant et immobile, ne montrait pas de signe de lassitude. Le danseur finit par faire un faux pas, et le rôdeur remarqua immédiatement l’opportunité qu’il attendait. Finiarel tenta de reculer, mais tous virent la bardiche passer sur son ventre de bas en haut. Le danseur tomba immédiatement face contre terre, et ne bougea plus. Le patrouilleur retourna le corps du pied, et son ventre était rouge de sang, et le sol en dessous aussi.

         Satisfait, le rôdeur déclara avec ironie :

         « Il était bien un elfe, et vous devez l’être aussi. Nous vous souhaitons bonne route. Prenez garde car ces chemins sont dangereux ».

         D’un geste, il ordonna aux autres patrouilleurs de quitter la clairière. Les compagnons de Finiarel, suivant ses dernières consignes, le laissèrent là, et repartir immédiatement vers Tal Drost. Ils pressèrent l’allure, car ils savaient que les rôdeurs étaient restés dans les environs.

         Pendant les trois jours et deux nuits que dura le reste du voyage, ils ne parlèrent guère. L’absence de Finiarel pesait sur leurs pensées. Ils traversèrent sans les voir les dernières vallées jusqu’à Tal Drost.


--~~***~~--
Tal Drost



         Ils arrivèrent à la capitale sous une pluie fine. La forêt s’ouvrit devant eux, les laissant face à une plaine verdoyante, traversée par un fleuve large et calme. Et au-delà du fleuve, ils virent la forteresse capitale de Cythral.

         La première chose qu’ils remarquèrent de Tal Drost furent les murailles étranges de la forteresse : des cascades d’eau les recouvraient entièrement, empêchant ainsi que des graines puissent être déposées et que les plantes fragilisent les défenses. Les murs formaient un demi-cercle qui s’appuyait sur les contreforts d’un haut plateau. Dans le prolongement, des murs, un chemin fortifié montait dans les rochers sur une longueur de plusieurs jets de flèche. La muraille retenait contre la montagne un bassin qui alimentait les chutes d’eau par-dessus le mur. La citée de Tal Drost elle-même était entièrement cis dans une vaste grotte qui s’ouvrait dans le flan du plateau au-dessus de l’eau, et y jetait plusieurs grands escaliers encastrés dans la roche grise.

         Plusieurs flèches de pierre blanche de hauteurs inégales s’élevaient depuis l’ensemble de la forteresse. Deux d’entre elles, les plus hautes, couronnaient le bord du plateau. Une dizaine d’autres ornaient la muraille. Chaque tour avait à son sommet une baliste et un brasier permettant de tenir à l’écart les monstres de Cythral. Nulle part il n’y avait de bois, hormis en haut des tours où poussaient de grands frênes et dans la forêt sur le plateau, hors de portée de voix des esprits maléfiques. Tous ces arbres avaient été plantés des années auparavant avec les graines récoltées par Ariel en personne, et ces plantes étaient depuis longtemps acquises à la cause des elfes.

         Impressionnés par cette vision, les quatre voyageurs se remirent en marche pour parcourir le dernier lieu de cette étape. Un long pont sur le fleuve leur permit de passer le cours d’eau et d’accéder à la forteresse. A leur arrivée, ils furent reçus par l’un des conseillers de Dame Drihel. Il était inhabituel que la maîtresse des lieux ne se déplace pas en personne pour accueillir un vassal, et Weldenmaëla perçut son absence comme une marque du ressentiment que sa suzeraine avait contre elle.

         Cependant, le conseiller annonça en secret à Weldenmaëla que la princesse Draya, fille de Dame Drihel et héritière du royaume, souhaitait s’entretenir avec elle au plus tôt, après qu’ils se soient reposés. Et Weldenmaëla en fut surprise, car elle ne l’avait jamais rencontrée, et qu’il était de notoriété publique que la reine et sa fille étaient en conflit.

         Le conseiller guida les voyageurs vers une maison dans de la forteresse qui fut mise à leur disposition le temps de leur séjour. Alors qu’ils s’installaient, Weldenmaëla les prévint qu’elle ne souhaitait pas rester plus d’une semaine.

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Le Retour (ou histoire du clan du datia yawe) Empty Re: Le Retour (ou histoire du clan du datia yawe)

Message par ethgri wyrda Mar 20 Déc - 16:21

Les entrevues de Tal Drost


         

         Le lendemain de leur arrivée, la cheffe du clan envoya Ignasia au marché aux herbes de la cité car elle espérait que la guérisseuse pourrait y trouver des ingrédients qui ne poussaient pas en Edur Edoc’sil, et avec lesquels elle pourrait renforcer l’effet de ses potions. Ignasia revint quelques heures plus tard : elle avait mis la main sur de rares plantes séchées apportées par des marchands d’autres royaumes de la forêt, et put à partir de ces ingrédients concocter de nouveaux philtres pour les étapes suivantes.          
         
         Weldenmaëla fut conduite devant Dame Draya deux jours après son arrivée. Les deux femmes se retrouvèrent seule à seule dans les quartiers privés de Dame Draya. Cette dernière était très jeune, presque une enfant, mais il y avait dans ses yeux une sagesse que d’autres n’obtiennent qu’après bien des années. Elle accueillit Weldenmaëla avec solennité dès son arrivée :          
         
         « Je veux te présenter mes condoléances pour la mort de Skolir, qui fut un fidèle capitaine du royaume pendant bien des années. Pardonne l’accueil qui t’a été fait par ma mère, et accepte je partage avec toi la tristesse face à cette perte.          
- Je savais partager ma peine avec mon peuple et avec ma fille, répondit Weldenmaëla, émue. Pardonnez-moi de vous avoir oublié dans mes prières.          
- Ne t’excuse pas, tu n’as pas besoin de remords en plus. Mais dis-moi, Princesse de Loec, on rapporte que toi et les tiens n’avez pas défait vos affaires, et donc que votre halte en ces lieux sera brève. Avez-vous quelques projets que j’ignore ?          
- Nous ne resterons pas longtemps dans votre château, Princesse de Cythral. Nous partons dans quelques jours à peine, pour Fyr Darric, en traversant Talsyn au plus court.          
- Cela ne me surprend guère, et nombreux sont ceux qui disaient que tôt ou tard, tu retournerais au royaume de Loec. Je devine aussi qu’en passant par Talsyn, tu espères qu'Ariel notre reine pourra t’accorder une audience et que ses pouvoirs te soigneront. Cela est-il juste ?          
- Vous devinez bien, Dame Draya, confirma Weldenmaëla.          
- Alors écoute mon conseil : ne passe pas par Talsyn. Nous vivons des temps troublés. Ariel et Orion sont partis en campagne à la tête de nos armées pour punir les nains qui profanent nos terres. Aujourd'hui, je ne sais ni où ils se trouvent, ni quand ils rentreront, mais on dit que ce ne sera pas avant la fin de l’automne, et alors ils iront comme chaque année s’endormir en leur palais le temps que le printemps renaisse. Peux-tu vraiment attendre ces longs mois ?          
- Une telle attente serait fort funeste, admit Weldenmaëla.          
- Je te propose une autre route : Suit le fleuve Brienne qui coule vers l’ouest entre les royaumes de Talsyn et d’Athylwyth, et passe par le royaume de Modryn, en aval du fleuve. Là, tu seras accueillie par Dame Allisara, la reine de ce royaume, et la sœur d’Ariel. Ses talents de guérisseuse sont renommés, et elle pourra peut-être -mais seulement peut-être- t’apporter la guérison que tu espères. Tu pourras ensuite, si tu le veux encore, rejoindre Fyr Darric en longeant la rivière Dovar qui remonte vers le nord. »          
         
         Entendant cela, Weldenmaëla sourit et prit la main de Draya.          
         
         « Dès ce soir, je préviens mes compagnons de cette nouvelle route. Merci pour ces conseils, ô Draya-la-sage ! Je suis ta débitrice à jamais pour cette proposition. »          

         Et ces paroles plurent à Draya, car elle savait avoir gagné le soutien d’un puissant clan vassal.          


--~~***~~--

La ruse



         Weldenmaëla n’eut que peu de contacts avec sa fille pendant le séjour à Tal Drost. Elle était presque toujours occupée ailleurs, à planifier le nouveau tracé de leur voyage ou à rencontrer les autres nobles du royaume. Lors de ses rares passages dans les quartiers qui avaient été alloués aux voyageurs, elle passait le plus clair de son temps avec Ignasia pour échanger sur les avancées de ses travaux alchimiques. Aiedail fut perturbée par cette absence, car depuis la mort de Skolir, elle n’avait parlé à presque personne d’autre que sa mère. Elle restait donc souvent seule dans ses appartements, plongée dans ses souvenirs, ou alors rendait visite à la guérisseuse et la regardait préparer ses ingrédients sans une parole.          
         
         Un soir, Erisdar, qui lui aussi était souvent absent, alla chercher ses compagnons. Weldenmaëla était occupée ailleurs, mais Ignasia et Aiedail le suivirent, intriguées.          
         
         Il les emmena vers une taverne. Chez les elfes, ce lieu était un espace à peine clos, où quelques tables étaient placées sans symétrie face à l’établissement en tant que tel, façade ouverte où les clients venaient se servir de boissons diverses. L’habitude était ici comme ailleurs chez les asraï de laisser les herbes folles pousser entre les pavés du sol, et les vignes vierges ramper au pied des murs. L'endroit était calme, car il était encore tôt.          
         
         Erisdar guida ses compagnons vers une table où les attendait quelqu’un. A leur arrivée, celui-ci se retourna et les salua. Et Aiedail et Ignasia restèrent ébahies, car c’était Finiarel. Il semblait très fatigué, mais n’avait aucune blessure là où ses camarades avaient vu la bardiche frapper. Après quelques instants de stupéfaction, Aiedail lui sauta au cou, les larmes aux yeux :          
         
         « Finiarel ! Ami ! Quel tour cruel tu nous a joué !          
- Aucun de vous n’en était la cible, et j’ai bien failli manquer mon coup, se justifia le danseur avec amusement.          
- Nous avons vu le patrouilleur te frapper et tu n’as rien? Comment est-ce possible ?          
- Notre compagnon a plus d’un tour dans son sac, et la supercherie était bien montée » sourit Erisdar. « Quand nous nous sommes retrouvés ce matin, il m’a expliqué sa ruse.          
- Je ne pouvais pas défaire mon adversaire, car alors le reste de la troupe me serait tombée dessus. La représentation ne pouvait finir que sur ma défaite, c'est-à-dire qu’en me montrant mort et en sang à ses pieds. Je pouvais aisément faire croire à un coup subit et mimer la mort. Je n’avais donc qu’à faire couler un peu de rouge au sol pendant le combat et à tomber dessus au bon moment pour contrefaire la défaite.          
- N’aurais-tu pas pu nous avertir de ce plan, Finiarel ? intervient Ignasia, le visage grave. Nous avons souffert de te savoir mort.          
- Hélas, je n’en ai pas eu l’occasion, grimaça le jeune danseur. Une fois le tour terminé, j’ai dû rester immobile de trop longues heures car les patrouilleurs sont restés aux alentours longtemps. Un bien pitoyable spectacle que celui de Finiarel faisant le mort la bouche ouverte et l'œil fermé. Je crains que cette histoire ne fasse une mauvaise danse à raconter, en plus de m’avoir engourdi le dos et les membres. J’ai ensuite marché seul sans parvenir à vous rattraper même en dormant peu et courant beaucoup.          
- Nous allons te conduire dans nos quartiers, Finiarel l’astucieux, conclut Ignasia. Tu t’es sorti d’un mauvais pas, mais tu as besoin de repos, car nous repartons bientôt. Dame Weldenmaëla sera très heureuse de te savoir en vie, mais elle n’en retardera pas notre voyage pour autant. »          
         
         
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Que fit Aiedail à Tal Drost

         
         
         Les jours suivant Aiedail passa le plus clair de son temps à errer dans les rues de Tal Drost, et regardait avec scepticisme l’architecture urbaine à laquelle son enfance forestière ne l’avait pas habituée. Elle marchait au milieu des allées, et restait parfois de longues minutes en arrêt devant une bâtisse ou une échoppe, à se demander la raison des entrées et sorties.          
         
         Elle finit par se perdre dans les couloirs du nord de la cité. L’heure n’était pas très avancée, mais toutes ses recherches la ramenaient aux mêmes rues vides. Alors elle s'inquiéta.          
         
         C’est alors qu’une voix l’appela par son nom, et cette voix n’était pas familière à Aiedail. La jeune elfe chercha autour d’elle d’où cet appel pouvait venir, mais elle ne perçut aucun mouvement dans la rue.          
         
         « Ne me cherche pas, je ne suis pas vraiment ici. Je te parle par ma magie, et toi seule peut m’entendre. » dit alors la voix. « Je ne te veux pas de mal, au fait je veux t’aider ». Alors la voix décrivit à Aiedail la route à suivre. Avec méfiance, la jeune elfe se laissa guider, car il lui semblait bien à chaque tournant qu’elle retrouvait des chemins qu’elle avait parcouru plus tôt. Elle finit par retrouver un carrefour d’où elle savait rentrer dans ses quartiers. L’endroit était désert, car il commençait à être tard.          
         
         « Te voilà sur une route plus favorable, Aiedail l’égarée.          
- Qui dois-je remercier, et pourquoi ce conseils ? » répondit Aiedail à haute voix. « Malgré votre aide, je n’ai pas grande confiance en quelqu’un qui me parle depuis les ombres          
- C’est fort prudent de ta part, jeune fille » répondit la voix, « et je vais tenter de te répondre. Je cherchais ton attention depuis quelque temps, et ton égarement m’a offert l’occasion de te parler. Aujourd’hui je t’ai guidée dans le labyrinthe des rues, mais il se pourrait que demain tu ais besoin d’un guide dans un dédale bien plus tortueux.          
- Que voulez-vous dire, Voix-depuis-les-ombres ?          
- Votre hôte, Dame Drihel, te convoquera demain au conseil des vassaux. tu seras confrontée à une question complexe, à laquelle je veux que tu répondes au mieux.          
- Ma mère et mon père m’ont appris ce dont j’ai besoin pour vivre et pour résoudre les problèmes qui me seront soumis. Pourquoi aurais-je besoin de l’aide d’un inconnu ? »          
         
         La voix se tut quelques instants, puis reprit d’un ton plus grave :          
         
         « Le monde est complexe pour toutes les deux. Tu as perdu ton père, tu vas perdre ta mère. Tu as quitté ton clan, sans savoir quand ou si tu reviendras. Toi qui n’as jamais vu de ville, te voilà dans la plus grande cité du royaume. Toi qui n’as vécu que quelques printemps, bientôt tu découvriras les intrigues de la cour, et un monde si grand que personne ne peut l’explorer tout entier. Même si aujourd’hui tu as retrouvé ton chemin, tu restes Aiedail l’égarée. Sais-tu où tu veux aller, et cet endroit est-il vraiment là où tu dois être ? »          
         
         Aiedail trembla à ces mots, car la voix avait mis en pleine lumière les peurs que l’elfe se cachait à elle-même pour ne pas y penser. Elle murmura :          
         
         « Qui êtes-vous pour me connaître si bien, et que demandez-vous en échange de votre aide ?          
- Je ne te demande que de te sortir au mieux des situations dans lesquelles le destin t’a mis. C’est encore ainsi que tu m’aideras le mieux dans mes propres projets.          
- Quels sont ces projets ? Et qu’ont-ils à voir avec moi ?          
- Tu ne pourras pas en savoir plus ce soir, mais quand demain je t’aiderai, tu verras alors que tu peux me faire confiance. D’ici là, prend pour prix de mon aide dans ces rues de ne rien dire de notre rencontre aux tiens, Aiedail l’égarée, car je ne désire pas être connue d’eux. »          
         
         C’est alors que Finiarel survint, et soudainement la voix se tut. Et Aiedail fut surprise par la présence du danseur car, toute à son échange avec cette étrange voix, elle ne l’avait pas vu approcher.          
                   
         « Princesse, êtes-vous perdue si proche de nos quartiers ? Il commence à faire tard, et j’allais justement finir ma promenade. Souhaitez-vous que nous rentrions ensemble, ou finissez-vous vous aussi quelques errances en cet étrange quartier ?          
- Si j'étais perdue, Finiarel, ce n’était que dans mes pensées. Mais rentrons maintenant, je crains d’avoir besoin de repos car demain pourrait être une grande journée. »          
         
         Alors ils rentrèrent. Mais Aiedail ne se reposa pas cette nuit-là, car trop de choses occupaient son esprit.          


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Le poids des mots

         


         Comme la voix l’avait annoncé, Dame Drihel convoqua Aiedail le lendemain. Et la jeune elfe en fut intimidée malgré la présence de sa mère à ses côtés. Les deux entrèrent dans la salle du conseil des vassaux ensemble. Mais Weldenmaëla fut assise d’un côté de la pièce avec les autres seigneurs, quand Aiedail devait se tenir debout devant l’assistance.          
         
         Il n’y avait ce jour-là que quelques vassaux dans la grande salle, car Dame Drihel souhaitait traiter cette affaire rapidement, sans attendre que n'arrive l’ensemble de l’assistance. Parmi les présents, la princesse Draya passait pour une enfant, mais son intelligence était connue de tous. La veille, Weldenmaëla avait demandé que l’audience soit délayée le temps que puissent arriver certains de ses alliés au conseil. Mais Dame Drihel avait alors répondu, non sans fourberie, que ce délai retarderait d’autant le départ de la princesse de Loec, et amoindrirait ses chances de guérison. Weldenmaëla s’était alors tue, car il n’y avait rien qu’elle ne pouvait répondre à cela.          
         
         Dame Drihel arriva en dernière, vêtue de ses habits royaux de sinople et d’argent. Elle s’adressa à l’assemblée d’un ton calme :          
         
         « Vassaux, parmi nous siège Weldenmaëla. Elle et son époux ont tenu leurs rôles de défenseur du royaume sans jamais démériter pendant toutes ces années. Mais nous risquons prochainement de perdre l’un et l’autre, car Skolir est mort, il y a quelques jours, et Weldenmaëla pourrait le suivre sous peu. »          
         
         A ces mots, ceux de l’assistance qui ignoraient la mort de Skolir pleurèrent en silence, car le forestier était aimé, bien qu’il ne parût pas souvent à Tal Drost. La reine continua :          
         
         « Weldenmaëla souhaiterait que sa fille, Aiedail, qui se tient devant nous, deviennent son héritière, et prenne la tête du clan. Elle deviendrait alors une de mes vassales. Elle en a le droit par son sang. Mais elle est jeune, trop jeune peut-être, et elle ne connait encore rien ni du monde, ni de la tâche qui lui serait confiée. Peut-on alors déjà lui remettre les rênes d’une partie du royaume ? Est-il sage de mettre ainsi en péril le sud de nos frontières ?          
- Que proposez-vous donc ? Intervint Draya, car elle était la seule à oser interrompre sa mère. »          
         
         Celle-ci répondit d’une voix ferme.          
         
         « Aiedail doit rester à Tal Drost le temps d’apprendre à gouverner. Je la prendrai comme fille adoptive, à tes côtés Draya. Et vous autres, conseillers et vassaux, vous lui prodiguerez vos enseignements. Ainsi apprendra-t-elle auprès de nous son rôle dans notre assemblée. »          
         
         Il y eut à ces paroles un grand brouhaha dans la salle car de nombreuses personnes manifestèrent leur opposition avec énergie, et parmi eux personne n’était aussi virulent que Weldenmaëla, et après elle Draya car elle craignait que l’adoption d’Aiedail, qui était plus âgée qu’elle, ne lui retire son héritage. Mais les alliés de Drihel répondaient à ces interjections, et ils étaient assez nombreux pour qu’aucun camp ne parvienne à prendre le dessus.          
         
         Dame Drihel appela au silence. Mais quand les cris se turent, ce fut Aiedail qui prit la parole avant que la reine ne puisse continuer son discours. La jeune elfe était pleine de rage, et ses yeux clouaient à leur siège ceux qui croisaient son regard. Mais c’est bien à Draya que ses mots s’adressèrent :          
         
         « Comment osez-vous donc faire cette proposition quand ma mère elle-même siège en cette assemblée ? Vous voulez, devant tous me voler à mes parents, et voler votre fille d’un trône qui lui est dû. Ce que vous prétendez m’enseigner, mon père, Skolir le forestier, dont vous vantez la valeur, ne me l’a-t-il pas déjà appris ? Il n’y a que les années qui me manque. Elles viendront. Alors il me semble clair qu’en prononçant ces mots, vous ne souhaitez pas tant m’offrir une mère en plus, que faire de moi une vassale avec une mère de moins. Ce conseil pourrait-il approuver cette action ? »          
         
         Et Weldenmaëla fut stupéfaite, car jamais sa fille n’avait osé user de mots si durs. Mais pas une de ces paroles n’était celle d’Aiedail. Chaque phrase lui avait été inspirée par la voix qu’elle entendait depuis la veille, et elle les avait alors déclamées avec ferveur car elles reflétaient les pensées que la jeune elfe ne parvenait à transcrire d’elle-même. Et alors Aiedail en comprit qu’elle pouvait faire confiance à cette voix.          
         
         Certains membres du conseil jetaient à Dame Drihel des regards de jugement, quand les autres fuyaient honteusement au contraire les yeux de la reine qui cherchaient leur soutien. Alors la reine sut que l’assemblée de ses vassaux ne lui donnerait pas raison.          
         
         « Aiedail, accepte mes excuses. Je retire mon offre, car elle t’a offensée. Nous pouvons clore l’assemblée, car cette proposition rejetée, il n’y a plus rien que je ne veuille vous soumettre aujourd’hui. Tu peux sans crainte suivre ta mère dans son voyage, car à ton retour tu pourras gouverner ton clan comme le firent tes parents, si toutefois tu reviens bien de ton voyage. »          
         
         Et elle se retira. Les quelques vassaux qui la soutenaient encore quittèrent l’assemblée à sa suite. Une partie des autres, fins politiciens, entourèrent Dame Draya qui commençait à dialoguer avec les nobles les plus proches d’elle. C’est ainsi que la princesse royale renforça son parti parmi les nobles de Tal Drost. Weldenmaëla rejoignit sa fille et la ramena dans leurs quartiers, où, pour la première fois depuis longtemps, Aiedail dormit bien, épuisée par la confrontation. Weldenmaëla veilla sur elle plusieurs heures, les yeux emplis de fierté.  

     
--~~***~~--
         
Le départ

         

         Deux jours plus tard, les cinq voyageurs firent leurs paquetages. Juste avant de partir, Draya leur rendit visite. Elle remercia chaudement Aiedail, et lui confia en cadeau une amulette d’argent et de fer qui représentait un visage aux yeux bandés :          
         
         « Aiedail, je dois à ton intervention plus de bien que tu ne l’imagines, car désormais ma mère ne pourra plus menacer mon héritage. Prends ceci en gage de ma gratitude. Ce talisman représente le secret, car j’ai don de voyance et j’ai senti qu’il s’était passé quelque chose d’inconnu en toi à cette assemblée. Qu’il te porte chance face aux périples de ta route. »          
         
          Les deux jeunes elfes échangèrent une poignée de main, et chacune pensa qu’elle s’était fait une alliée puissante de l’autre.          
         
         Dame Drihel n’avait pas accueilli sa vassale à son arrivée, elle ne vint pas plus lui souhaiter bon voyage à son départ. Consciente que les sentiments de la souveraine envers elle et sa fille n’avaient qu’empirés depuis leur arrivée, Weldenmaëla préféra cette absence qui lui laissait, à elle et à ses compagnons, une dernière bonne impression de Tal Drost.

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Ennemis de Loren
Retiens cette morale
Sache que notre haine
Pour toi n'a pas d'égale

Tes nombreux congénères
Se sont tous fait tuer
Et bientôt en enfer
Tu vas les retrouver
             

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Le Retour (ou histoire du clan du datia yawe) Empty Re: Le Retour (ou histoire du clan du datia yawe)

Message par ethgri wyrda Mar 20 Déc - 16:28

Dernier voyage de Weldenmaëla en Modryn


         
         
         Deux longues barques leur furent données au bord du Brienne. Aucun des voyageurs n’avait jamais navigué, mais en cette saison, le courant était paisible et régulier vers l’aval. Dans ces conditions favorables, ils apprirent rapidement le minimum nécessaire pour suivre les lacets du fleuve, arrêter et remettre à l’eau leurs embarcations.          
         
         Plusieurs villages de pêcheurs ponctuaient la rive nord, celle du royaume de Talsyn, et chaque soir Weldenmaëla et les siens dormaient sous un toit. En effet, les elfes de ce royaume étaient renommés pour leur générosité et leur hospitalité. Les habitants des autres royaumes mettaient cette attitude plus ouverte qu’ailleurs sur le compte de leur éloignement des plus grandes menaces de la forêt, qu’ils qualifiaient parfois d’innocence naïve.          
         
         Les voyageurs n’eurent pas à défaire de leurs paquetages les rations de voyages qu’ils avaient emporté, car à chaque étape, on ne les laissait pas repartir sans leur offrir des provisions pour la suite de la route. Finiarel remerciait alors leurs hôtes de quelques histoires dansées, pour lesquelles il était en retour abondamment félicité.          
         
         Ils naviguèrent ainsi pendant six jours, sans difficultés. La rive nord était constante : entre les villages, les berges étaient couvertes par les ramures de petits saules verts, et par une herbe fleurie, grasse et haute. La rive sud, elle, changea radicalement dès le deuxième matin, quand ils arrivèrent aux abords du royaume d’Athylwyth : les arbres sombres de Cythral firent place à de petits sapins chétifs et à des feuillus dénudés. Au sol, le tapis de mousses et les fougères denses disparurent rapidement, pour laisser la terre à une herbe dure. L’air se fit aussi plus froid, et de brusques bourrasques venues du sud déportaient les embarcations des voyageurs. Le quatrième soir, Ignasia fut la première à apercevoir au loin de la neige au sol d’Athylwyth, et le cinquième, les flocons tombèrent abondamment sur le fleuve.          
         
         Un soir, alors qu’ils se reposaient dans un hameau en bord de fleuve, le chef du lieu vint les voir et leur recommanda la prudence, car il avait entendu de graves nouvelles de l’ouest de la forêt, où on disait plusieurs intrus avaient été repérées quelques semaines plus tôt. Pire, on racontait qu’il s’agissait d’hommes-bêtes, les rejetons du Chaos. Weldenmaëla s’assombrit à cette nouvelle, car elle pressentait que ces événements entraveraient leur voyage.          
         
         Aiedail dormit peu ces jours-là. La voix, qui se taisait en journée, parlait la nuit et enseignait Aiedail. Elle lui décrivait les intrigues de cour des royaumes d’Athel Loren, le fonctionnement de la magie, les forces et faiblesses des lanceurs de sorts, mais lui racontait aussi des chansons et des légendes que la petite elfe n’avait jamais entendu. Et Aiedail retint tout cela, car la voix était précise et patiente avec elle. Mais la petite elfe s’interrogeait chaque soir un peu plus sur le but de ces leçons.          


--~~***~~--
         
Les terres gelées d’Athylwyth


         

         Le septième jour, le temps devint glacial, et en fin de matinée les deux barques furent bloquées car le fleuve avait gelé sur toute sa largeur. La glace était trop épaisse pour être brisée. Finiarel fut déposé sur la berge pour explorer les prochains lacets du fleuve. Quand il revint plus tard dans la journée, il confirma la mauvaise nouvelle : le fleuve était paralysé sur plusieurs centaines de mètres. Au-delà, seuls les eaux les plus fougueuses et les moins navigables se dégageaient de la gaine de glace.          
         
         Sans savoir où ils pourraient reprendre la navigation, les voyageurs estimèrent que porter les embarcations n’était pas envisageable, d’autant plus que les rives enneigées et la glace ne permettaient pas de poser un pied sûr. La route de Mordryn était bloquée. Alors Erisdar, qui connaissait bien la géographie des royaumes, proposa un autre chemin :          
         
         « Le fleuve atteint Mordryn vers le nord-ouest. Mais de là où nous sommes, si nous marchons plein ouest, nous devrions pouvoir rejoindre la frontière en d’eux jours. De là-bas, nous trouverons une route jusqu’à la capitale de Dame Allisara.          
- Les deux jours de marche que tu proposes seront en plein dans les terres d’Athylwyth, les terres perpétuellement hivernales ! Il y a sûrement plus prudent, rétorqua Ignasia. Nous ne sommes pas équipés pour ces températures !          
- Je n’ai hélas pas d’autres choses à proposer, à moins de faire un détour par la rive nord, mais alors nous serons retardés d’une dizaine de jours.          
- Au moins serons-nous à l'abri du froid.          
- Malheureusement non, car lorsque le vent souffle ainsi depuis le royaume de l’hiver, la rive opposée est aussi balayée par le blizzard.          
- Alors nous prendrons la route la plus courte. » trancha Weldenmaëla. « Si nous devons avoir froid, que ce soit le moins longtemps possible.          
- Nous nous réchaufferons en marchant vite, et nous sortirons de ces terres au plus tôt ! » conclut Finiarel pour rallier le moral du groupe.          
         
         Ils abandonnèrent donc là les barques, en prirent leurs équipements, s’habillèrent de plusieurs couches de vêtements, et quand ils furent tous prêts, ils se mirent en marche à la suite d’Erisdar. Malgré son âge, le magicien avançait avec énergie dans la neige, et traçait un sillon dans lesquels les autres mettaient leurs pas. Ils formaient une file qui s’étira de plus en plus à mesure qu’avançait la journée.          
         
         Le plus mal lotis était Finiarel car, parti à la hâte du clan, il n’avait pas pu prendre autant de tenues que ses compagnons. Il attrapa rapidement froid et alors qu’il était l’un des meilleurs marcheurs, il dû se tenir en fin de file, soutenu par Ignasia. Cette dernière avait préparé un onguent pour protéger autant que possible du froid, mais faute d’ingrédients, elle n’avait pu en préparer qu’une petite quantité, et chacun s’était donc couvert le visage et les mains en priorité.          
         
         Pendant la traversée de ce bout du royaume d’Athylwyth, les voyageurs parlèrent peu : le bruit du vent dans les branches coupait toute discussion. Alors la voix qu’entendait Aiedail reprit ses leçons pendant la marche, mais la jeune elfe n’en retenait plus rien tant le froid l’engourdissait.          
         
         Le premier soir, ils s’arrêtèrent dans un vallon encaissé, qui les abritait du vent et de la neige, et repartir tôt le lendemain car Erisdar leur dit qu’il avait bon espoir d’atteindre les terres de Mordryn en fin de journée s’ils se dépêchaient. Mais peu après midi, une tempête se leva, et ils furent contraints de s’arrêter pour s’abriter. Ils trouvèrent quelques buissons denses où ils se couchèrent avec l’espoir que le temps leur permette de reprendre la route bientôt. Mais la tempête dura toute l’après-midi, et une partie de la nuit, et quand elle cessa, les voyageurs étaient transis de froid, trempés, et trop épuisés pour marcher.          
         
         Plus que tous les autres, Finiarel et Weldenmaëla étaient au plus mal. Le premier était glacé, la peau presque bleu, et il parvenait à peine à bouger les membres tant il tremblait. La cheffe du clan souffrait moins du froid que de l’épuisement. Elle tenta plusieurs fois de se relever, mais face au vent ses forces la lâchaient, et Ignasia dû chaque fois l’attraper pour l’empêcher de s’effondrer dans la neige. Les compagnons restèrent donc dans leur abris de fortune, maudissant le sort et le royaume de l’hiver.          
         
         Le lendemain matin, le ciel se calma, mais les voyageurs ne parvinrent pas à quitter leur abris, car les forces leur manquaient. Même Erisdar, mieux préparé et vêtu contre le froid que les autres, n’osa quitter l'abri, et ils sombrèrent tous dans la torpeur.          
         
         C’est alors qu’une brume épaisse coula sur eux, et dans la brume marchait un groupe de soldats à cheval. Comme ils passaient à côté de leurs buissons sans voir les voyageurs, la voix réveilla Aiedail :          
         
         « Aiedail lève-toi ! J’ai pu dévier ces cavaliers de leur route, c’est maintenant à toi de finir de sauver les tiens ! »          
         
         A ces mots, la jeune elfe se releva en titubant et agita les bras pour attirer l’attention des passants. D’abord stupéfaits de rencontrer quelqu’un dans ces terres gelées, ceux-ci accoururent porter secours aux voyageurs. Ils étaient des soldats chargés de la garde des frontières du royaume de Mordryn, et ils avaient été déportés de leur chemin par le brouillard. Ils emportèrent les cinq égarés sur leurs chevaux vers le village le plus proche. Aiedail, qui seule avait retrouvé quelques esprits, constata avec soulagement que neige disparaissait à mesure qu’ils s’éloignaient du cœur d’Athylwyth.          
         
         Après quelques heures de chevauchée, ils furent déposés au grand hall d’une petite ville du nom de Vlena. On leur prodigua immédiatement des soins, tout particulièrement à Finiarel et Weldenmaëla. Pendant ce temps, Aiedail se présenta à ceux qui s’occupaient d’eux, et fut conduite devant le dirigeant de cette ville, le seigneur Raenor. Elle lui présenta la raison de leur voyage, leur mésaventure en Athylwyth, et transmit ce qu’elle savait que serait la demande de sa mère à son réveil :          
         
         « Nous aurons besoin des soins de dame Allisara, car si les maux que nous avons subis dans les neiges peuvent être soignés par vos guérisseurs, ce qui accable ma mère et cheffe nécessite des pouvoir que seule votre reine seule pourrait avoir. »          
         
         Comme beaucoup, Raenor connaissait la réputation de la Princesse de Loec, et la tenait en grand estime. L’aider était à ses yeux de la première importance, et il envoya immédiatement un messager à sa suzeraine, pour solliciter son aide au nom des voyageurs.          
         
         
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La reine Allisara

   



         Allisara gouvernait le royaume de Mordryn, et était aussi la sœur d’Ariel, la Grande Reine d’Athel Loren. Depuis leur jeunesse, elles étaient toutes les deux reconnues pour leurs talents de mages, et pour leur intelligence peu commune. Quand la déesse Isha prit le corps d’Ariel et devint la reine de la Forêt, elle confia la garde du royaume le plus occidental de la forêt à sa sœur, afin que ces terres voisines du royaume des hommes soient dirigées avec droiture et sagesse. On disait parfois que c’était Allisara elle-même qui avait demandé à vivre sur les terres les plus à l’ouest d’Athel Loren, pour une raison inconnue. Depuis des siècles, Allisara s’était acquittée de sa tâche de reine et gouvernante de Mordryn avec loyauté et efficacité.          
         
         Quand le message du seigneur Raenor lui parvint, Allisara décida de quitter son palais et de rejoindre Vlena à vive allure. Elle partit avec une escorte réduite, car elle ne voulait pas dégarnir les troupes de sa capitale. A son arrivée, les habitants lui firent grand accueil, car elle était appréciée de son peuple. Mais elle ne s’attarda pas avec la population, car elle avait pressenti d’après l’alarme de la lettre de Raenor que Weldenmaëla était au plus mal. Elle accouru au chevet de la Princesse de Loec, constata son état, et dit au seigneur Raenor :          
         
         « L’état de votre invitée est précaire. Elle pourra vous être reconnaissante de la diligence avec laquelle vous m’avez prévenue, car je crois pouvoir la soigner. Laissez-moi tranquille quelque temps. »          
         
         Alors le seigneur fit garder la chambre avec ordre de maintenir à distance les curieux. Dame Allisara ne fut dérangée qu’une fois pendant la nuit et la journée qu’elle passa auprès de Weldenmaëla, quand on transporta Finiarel auprès d’elle. Le danseur, pâle et tremblant, ne s’était pas encore levé, malgré les soins prodigués par les médecins de Vlena. Allisara se détourna un court instant de sa tâche, apposa ses mains sur le malade, et celui-ci retrouva les couleurs qu’il avait perdu. Sa guérison fut accueillie avec grande joie par Aiedail, Erisdar et Ignasia, qui pour la seconde fois avaient cru le perdre.          
         
         Le lendemain matin, quand Weldenmaëla s’éveilla enfin, elle remarqua quelqu’un sur le balcon de sa chambre. La cheffe de clan se leva rejoignit l’inconnue sur le balcon.          
         
         « Bienvenue en Mordryn, Princesse de Loec, l'accueillit l’inconnue.          
- Est-ce vous que je dois remercier pour nous avoir fait quitter les terres enneigées ? demanda Weldenmaëla avec respect.          
- Je n’y ai pas contribué, Princesse de Loec. Vous devez votre chance à votre hôte et votre fille je crois, répondit Allisara avec douceur.          
- Si vous n’êtes ni mon hôte, ni celle qui nous a sorti du froid, peut-être vous dois-je les soins qui m’ont remise sur pied ?          
- Pour cela, j'accepte vos remerciements, concéda la reine sobrement.          
- Je ne me suis pas senti aussi bien depuis bien longtemps. Merci mille fois. Sans doute avez-vous appris de la reine Allisara dont on m’a vanté les dons. J’aimerais me rendre auprès d’elle dès que possible.          
- Weldenmaëla, je suis Allisara. »          
         
         Alors immédiatement Weldenmaëla s’agenouilla. Mais la reine la fit se relever et reprit, la voix emplie de tristesse :          
         
         « Weldenmaëla, je connais la raison de ta venue en mon royaume. Mais hélas, j’ai essayé tout ce que je pouvais, et je ne suis pas parvenu à enrayer le mal qui te ronge. Tu vivras encore une poignée de mois, et tu auras pendant ce temps la force de ta jeunesse. C'est là tout le sursis que mes trop maigres talents peuvent t’offrir. Mais ta survie est hors de mon pouvoir, et je le crains, hors de ceux de quiconque en Athel Loren. »          
         
         Alors Weldenmaëla se figea. Et elle ne parvint pas à prononcer le moindre mot, car ses derniers espoirs de survie s’étaient éteints. Elle resta interdite un long moment. Finalement, ne trouvant pas quoi ajouter, Allisara décida de la laisser seule. La cheffe de clan lui adressa alors quelques derniers mots :          
         
         « Si je le pouvais, je vous serais éternellement reconnaissante d’avoir essayé. Je vous dois bien plus qu’une poignée de mois de gratitude. »          
         
         Allisara quitta la pièce en masquant ses larmes. Elle ne dit pas un mot de l’échange qu’elles avaient eu, si ce n’est que Weldenmaëla était éveillée. Allisara quitta la ville immédiatement après, et retourna dans sa capitale avec la tristesse et la frustration de ne pas avoir pu sauver une vie. Quand elle apprit que sa mère était debout, Aiedail alla immédiatement la voir, et ne ressortit de sa chambre que le lendemain.          
         
         Dès qu’elle le put, Weldenmaëla se rendit auprès du seigneur Raenor, et lui annonça qu’elle souhaitait rester un peu à Vlena, avant de repartir. Elle pria aussi son hôte de lui donner accès à la forge du hall. Le seigneur accepta, car Allisara lui avait demandé d’accéder à toutes les sollicitations des voyageurs.          
         
         La nuit suivante, Erisdar dormit mal, car ses rêves étaient sombres. Il rêva des menaces qui planaient sur Athel Loren, et ces présages l’inquiétèrent immensément. Il sentit que la raison de son voyage au nord devenait urgente. A l’aube, éveillé en sueur, il accourut aux écuries, et demanda un cheval. Puis, il quitta la ville et s’en fut. Quand ses compagnons apprirent la nouvelle de son départ, ils en furent surpris. Mais Weldenmaëla, qui connaissait le magicien, ne s’en offusqua pas, car elle savait quelles genre d’affaires pouvaient parfois agiter les gens de magie. Erisdar l’avait prévenu lors du départ d’Edur Edoc’sil qu’il avait ses raisons de faire le voyage, et elle comprenait qu’il suive son chemin. En revanche, elle regretta âprement de ne pas avoir pu échanger de dernières paroles avec son ami.          
         
         Finiarel se rétablit complètement en quelques jours, et profita de sa convalescence pour s'entraîner à ses danses. Dès qu’il le put, il sortit dans les halls de Vlena et joua quelques pièces faciles aux habitants. Ceux-ci n’avaient que rarement la visite des dévots de Loec, et ils accueillirent ces spectacles avec grande joie. Le seigneur Raenor lui-même vint assister à quelques-unes de ces représentations avec amusement.          
         
         Aiedail assistait parfois Finiarel dans ces spectacles en aidant ses préparations et parfois en l’accompagnant dans les rôles secondaires des pièces jouées. Mais ses pensées étaient tourmentées par le silence de sa mère, qui n’avait rien dit de son entrevue avec Allisara, et malgré l’insistance du danseur de guerre, elle ne voulut pas l’accompagner sur le devant de ses scènes.          
         
         Certains jours, la jeune elfe quittait le hall et allait explorer les bois alentour. C’était la première fois qu’elle s’aventuraient seule ailleurs que dans les futaies sombres de Cythral. En explorant les bois de Mordryn, elle parvenait à chasser ses pensées en étudiant la flore de ces terres inconnues d’elle.          
         
         Parfois, lorsqu’elle était seule dans la forêt, la voix lui donnait les noms des plantes qu’elle voyait, et lui racontait les légendes des lieux qu’elle découvrait. Aiedail posait parfois des questions pour tenter d’en apprendre plus sur la voix qui lui parlait, mais celle-ci répondait alors de manière évasive, puis se taisait pour le reste de la journée.          
         
         « Appelle moi Uvyh, l’ombre, car je ne peux pas apparaître devant toi » dit-elle une fois, et Aiedail ne put en apprendre plus. Mais dans la solitude de ses explorations, elle appréciait la compagnie d’Uvyh.          
         

--~~***~~--
         
Comment furent créées Fiable, Brumes et la troisième
 
       



         Pendant ce temps à Vlena, Weldenmaëla alla souvent à la forge. Elle voulait offrir une arme à sa fille. A ses yeux, ce cadeau aurait à la fois valeur de protection pour sa fille, car elle savait que celle-ci aurait besoin quand elle deviendrait cheffe à sa suite, et de remerciements, car Aiedail l’avait sauvée deux fois désormais.          
         
         La forge était l’antre de Dormin, un elfe âgé au regard sombre, qui ne sortait presque jamais de son atelier, car à force de travailler près du feu, l'extérieur lui était devenu trop froid. Il était renommé dans la région car il avait été disciple de Ranu, le plus grand forgeron d’Athel Loren, et comme celui-ci, Dormin savait lier les enchantements au métal. Lors de leur première rencontre, Weldenmaëla le salua respectueusement :          
         
         « Ton seigneur Raenor m’a vanté tes talents, forgeron, et je souhaiterais que tu crées quelque chose pour moi.          
- Dame Weldenmaëla, c’est un honneur de vous recevoir chez moi » répondit Dormin. « De quel objet une guerrière comme vous peut-elle avoir besoin ? Car on dit que vous avez déjà une bonne épée, et qu’à l’armure vous préférez l’esquive.          
- Je ne viens pas pour moi, mais pour ma fille qui aujourd’hui combat avec de l’acier commun. Je voudrais qu’elle puisse brandir des armes à sa hauteur, enchantées par votre art.          
- Je puis effectivement créer ce genre d’équipement si vous le désirez princesse, mais pas seul. Car une arme d'exception ne peut pas être créée de manière ordinaire. Et je ne peux pas imaginer d’objet aussi exceptionnel qu’une épée faite des mains de la princesse de Loec en personne.          
- Alors nous aurons un mois pour créer à ma fille Aiedail une arme à sa mesure, car c’est le délai que je me suis accordé ici. »          
         
         Pendant cette période, Weldenmaëla œuvra avec tant d’assiduité et d’efforts à la forge qu’Ignasia s’inquiéta. Mais la cheffe de clan la rassura en lui disant qu’Allisara lui avait prodigué des soins puissants, ce qui n’était qu’à moitié vrai. Car même si elle ne ressentait nulle fatigue, Weldenmaëla sentait au fond d’elle que ses forces brûlaient lentement. La guérisseuse cependant ne voulut pas quitter sa cheffe, et elle l’assistait à la forge autant qu’elle le pouvait. Sous les directives de Dormin le forgeron, ils définirent les alliages, chauffèrent le métal et le coulèrent. Puis ils le façonnèrent, l’ornèrent et y gravirent les enchantements de protection que Weldenmaëla choisit. Finir ce long travail leur prit longtemps, car la cheffe de clan changea plusieurs fois d’avis sur ce qu’elle souhaitait offrir à sa fille, et car Dormin fit fondre à chaque étape plusieurs lames qu’il ne trouvait pas assez bien terminées. Si bien que quand arriva la fin du mois, ils n’avaient terminé que deux épées sur les trois que Weldenmaëla souhaitait créer.          
         
         La première arme qu’ils achevèrent était une longue épée d’un acier clair et pur. La garde, fondue dans la même coulée que la lame était sobre et droite. « Une lame honnête et franche, apte au duel et à la guerre. Elle saura frapper juste si le bras qui la manie lui fait confiance » la décrivit Dormin quand ils terminèrent, et ils en furent tous satisfaits. Le forgeron fut à un cheveu de faire fondre la seconde arme, trop courte à ses yeux, mais Weldenmaëla arrêta son geste car l’arme lui plaisait. Plus petite que la première, la lame était aussi plus sombre, sans reflet, et avait la forme d’une feuille de laurier rose. Weldenmaëla avait fait orner la garde d’une gravure qui lui évoquait les collines de Fyr Darric où elle avait grandi.          
         
         La troisième lame avait à peine été coulée. Alors Dormin dit « Dame Weldenmaëla, partez l’esprit tranquille. Je peux terminer cette lame seul désormais, car vous y avez mis suffisamment du votre. Vous avez ma parole que ce sera une belle arme, et que lorsqu’elle sera achevée, je l’apporterai à votre fille où qu’elle soit » Weldenmaëla acquiesça, remercia chaleureusement Dormin, et quitta sa forge avec les deux épées terminées.          
         
         Weldenmaëla nomma les deux armes “Fiable” et “Brumeuse”, et les empaqueta dans ses affaires, car elle souhaitait les offrir à Aiedail quand ils arriveraient en Fyr Darric.          
         
         La Princesse de Loec sentait que ses forces diminuait, et en comprit qu’elle ne pourrait pas rester plus longtemps à Vlena si elle voulait atteindre Fyr Darric avant sa fin. Elle réunit ses compagnons le soir de la réalisation des épées, et leur annonça qu’ils partiraient le lendemain.          
         
         Apprenant cette nouvelle, le seigneur Raenor leur confia ses meilleurs chevaux, et offrit de les accompagner à la bordure du royaume. Là, il leur souhaita bon voyage :          
         
         « Que les dieux vous gardent ! Suivez la berge et vous trouverez un gué pour passer le Brienne. Continuez encore sur le chemin, et vous atteindrez la rivière Dovar. Elle vous guidera jusqu’à Fyr Darric comme vous le désirez.          
- Nous te sommes reconnaissant, Raenor. » répondit Weldenmaëla « Ta générosité et de ta bienveillance sont des cadeaux précieux pour ceux qui passent sur tes terres. »          
         
         Puis ils se séparèrent. Les voyageurs partir au nord, et Raenor rentra chez lui. Mais sur la route, le seigneur rencontra une foule d’elfes de tous âges qui fuyaient en hâte, et il se demanda ce qui causait tant d’alarme chez ces gens.          
         
         « Nous venons de la rive nord du Brienne, que nous avons quittée, car une grande horde de créatures du Chaos est entrée dans la forêt, et la région n’est pas sûre pour nous. Ces bêtes tuent et brulent les villages à quelques jours à peine au nord d’ici. Nous ne pouvons pas rester chez nous. »          
         
         Alors Raenor fut inquiet pour les voyageurs, et il envoya des éclaireurs pour les rattraper. Mais ils étaient déjà trop loin pour être prévenus, et Raenor ne put que se lamenter.


Dernière édition par ethgri wyrda le Ven 30 Déc - 11:36, édité 1 fois

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Message par ethgri wyrda Mar 20 Déc - 16:35

Dans l’antre de Frawalach




         Ignorant la menace qu’avait appris Raenor, Weldenmaëla, Aiedail, Ignasia et Finiarel continuaient innocemment leur voyage vers le nord. Ils avaient reçu d’excellents chevaux, et pouvaient faire d’importantes étapes. Weldenmaëla estima qu’ils pourraient atteindre Fyr Darric en deux semaines. Elle avait hâte de retrouver ses terres ancestrales, et pressait l’allure même quand Ignasia voyait dans les yeux de la cheffe poindre la fatigue due à sa maladie.          
         
         La région d’Athel Loren qu’ils traversaient était très colorée, car l’automne s’y était installé. Les arbres aux couleurs ocres ou flamboyantes déposaient sur le sol un tapis doré dans lequel les voyageurs laissaient un sillon sombre en découvrant la terre humide. Le temps fut clément pendant les premiers jours, puis se détériora, et une pluie lourde se mit à tomber.          
         
         S’ils avaient mieux écouté les signes de la forêt, et tendu l’oreille aux rumeurs dans les branches, ils auraient eu vent des présages néfastes. Certaines branches se tordaient et calcifiaient quand ils en détournement le regard, et la faune était inhabituellement silencieuse. Mais portés par la hâte d’atteindre leur destination, les voyageurs n’y prirent pas garde.          
         
         Après dix jours de voyage, une tempête violente éclata. La foudre zébra de part en part le ciel devenu noir en plein jour, et la pluie devint déluge. Les voyageurs tentèrent d’avancer en espérant que la tempête passe rapidement, mais leurs montures paniquaient et ils se résolurent à trouver un abris le temps que l’orage ne passe. Finiarel aperçut une large ouverture dans la pente abrupte d’une colline rocailleuse à quelques dizaines de mètres sur leur gauche. Il la pointa à ses compagnons, et ils s’y abritèrent, trempés par la pluie.          
         
         Une fois au sec, et leurs chevaux calmés, ils purent prendre le temps de détailler leur refuge. C’était une vaste grotte, peu profonde, et dont une partie devait s’être effondrée il y a longtemps. Mais ils remarquèrent aussi que derrière les éboulements, un boyau sombre s’enfonçait profondément dans la colline. Poussés par la curiosité, et n’ayant pas d’autres perspectives en attendant la fin de la tempête, ils décidèrent d’aller en explorer le fond. Ils allumèrent des torches, et entrèrent dans le tunnel.          
         
         Celui-ci était plus profond qu’ils ne l’avaient soupçonné, et ils durent plusieurs fois se mettre de côté pour avancer quand une partie du boyau, effondrée, rétrécissait subitement. Peu à l’aise dans cet endroit confiné, ils étaient sur le point de faire demi-tour, quand ils débouchèrent sur une vaste cavité au fond de laquelle un lac souterrain réfléchissait la lumière de leurs torches. La caverne était immense, et la longueur des stalactites témoignaient de l’âge de l’endroit.          
         
         Ils avancèrent de quelques pas dans la grotte, émerveillés par la taille de la cavité, par la splendeur de l’eau calme, et par l’éclat des pierres souterraines, qui ne se montrent guère en surface.          
         
         Soudain, un grondement les fit sursauter. Une forme immense se glissa derrière eux depuis le sommet de la caverne, et leur bloqua la sortie. C’était un monstre couvert d’écailles vertes, aux grandes ailes sombres, aux pattes puissantes et à la gueule pleine de crocs. Par-dessus tout, cette créature avait de grands yeux jaunes qui brisait le courage et la volonté des voyageurs.
         C’était un dragon, et Frawalach était son nom.          
         
          Aiedail réagit immédiatement et frappa la patte de la créature, mais son épée se brisa sur la peau durcie de la bête, et d’un geste nonchalant, le dragon la repoussa vers ses compagnons. Le regard hypnotique du grand lézard passa d’un voyageur à l’autre, les immobilisant sur place. Weldenmaëla aurait voulu faire comme sa fille, car sa volonté était telle qu’elle échappait au pouvoir du dragon. Mais elle sentait que son corps était épuisé. Et elle vécut amèrement cet abandon, car elle savait que quelques années plus tôt, elle aurait défié la créature sans hésiter.          
         
         Alors la voix grondante du dragon raisonna sur la pierre et fit trembler l’eau du lac :          
         
         « Je suis Frawalach, et je vous souhaite la bienvenue dans mon antre. Je sais qui vous êtes, Weldenmaëla la dépérissante, Aiedail l’égarée, Finiarel le danseur et Ignasia la fidèle, car j’ai rêvé de votre venue.”          
         
         Et ces paroles plongèrent Aiedail dans l’étonnement, car le dragon lui avait donné le même nom que la voix d’Uvyh. Weldenmaëla s’adressa à la créature avec une colère mal contenue :          
         
         « Si vous me connaissez, vous savez pourquoi nous voyageons. Vous ne pouvez pas nous retenir ici. »          
         
         Alors Frawalach émit un bruit sourd, ressemblant à un grave ricanement.          
         
         « Si. Je peux vous retenir, mais peut-être ne le devrais-je pas. Moi qui suis enfermé seul dans cet endroit depuis si longtemps, je répugne à laisser partir des invités si illustres.          
- Êtes-vous enfermé depuis longtemps ici, Grand Dragon ? demanda Finiarel. Et il n’avait dans le regard nulle peur, mais de la curiosité.          
- Depuis longtemps, petit danseur. très longtemps. Et hormis les rêves, rien ne vient me rendre visite. Je n’ai de nouvelles du monde que par les petits êtres qui entrent parfois ici, humains ou elfes égarés. Mais ils passent tous. »          
                   
         Alors Frawalach se tut quelques instant. Quand elle reprit, la voix du dragon était devenue douce et mielleuse :          
         
         « Restez un peu, chers invités, et racontez-moi tout ce que je manque en restant en ermite. Qui sont les rois et les reines de ce monde, quelles sont les guerres en ce moment, quelles sont les histoires que l’on conte, et comment ont variées celles que l’on contait autrefois. Et quand je serai contenté, je vous laisserai partir avec ma bénédiction. Vous en avez ma parole. »          
         
         Et même s’ils ne savaient pas quelle valeur donner à la parole du monstre, les elfes acceptèrent car ils ne voyaient pas d’autres choix tant que le gigantesque lézard bloquait la sortie. Weldenmaëla commença, et lui décrivit les seigneurs et dames qui gouvernaient la Forêt. Puis elle lui raconta ce qu’elle connaissait des pays au-delà des lisières, tant ce qu’elle avait vu d’elle-même des années plus tôt, que ce qu’elle avait entendu dire depuis. Comme le dragon en demandait plus, Finiarel commença à danser les légendes qu’il connaissait. Et il dansa ainsi pendant longtemps jusqu’à s’en épuiser. Mais Frawalach voulait plus. Alors Ignasia lui parla des plantes et des sorts qu’elle avait appris. Elle lui donna les recettes des baumes qui soignent et des potions qui apaisent, mais le dragon demandait qu’on lui raconte toujours plus de choses. Aiedail s’avança alors et lui chanta les histoires que la voix lui avait rapportées. Mais le grand reptile en demandait encore.          
         
         Quand la faim commença à les tirailler, les voyageur comprirent que la curiosité d’un dragon était insatiable, et que celui-ci, enfermé dans cette colline depuis des siècles, était le plus avide de tous, et qu’il ne les laisserait jamais partir. Alors Weldenmaëla pointa sur lui un doigt accusateur :          
         
         « Frawalach ! Nous en avons assez de ce jeu ! Ta parole est trompeuse, car tu ne seras jamais contenté !          
- Petite elfe, bailla le dragon, la solitude et l’ennui sont mes seuls ennemis, et vous êtes mes seules armes. Alors non effectivement je ne peux pas vous laisser partir. Contez-moi encore des choses, et peut-être alors serais-je clément ?          
- Vos paroles sont fausses, et vous ne nous laissez aucun choix, répondit, dépitée, la Princesse de Loec. »          
         
         C’est alors que Finiarel prit la parole :          
         
         « Créature souterraine, tu n’as pas besoin de nous enfermer tous. Je te propose un marché : libère la princesse de Loec, sa fille et sa guérisseuse, car elles ont à faire et le temps leur est précieux. Moi, je resterai ici avec toi. Je te conterai la suite de mon répertoire, comme personne ne l’a jamais vu. Je produirai devant toi l’histoire de tous les personnages que je sais jouer. Je raconterai s’il le faut les anecdotes et les rumeurs des gens du commun, et je d’offrirai même des récits que nul n’a jamais entendu car je te les inventerai. Tu pourras me parler de ce que tu sais, et je le mettrai en scène de telle manière que tu ne reconnaitras pas tes histoires. Tu seras diverti, je chasserai ton ennui à jamais. Mais en échange, tu dois libérer mes compagnons. »          
         
         Le dragon posa sur lui ses grands yeux avec gravité, comme s’il jaugeait la parole du danseur de guerre dans son esprit.          
         
         « Finiarel, petit danseur, je sais qui est ton dieu, Loec, le dieu des arts. Mais aussi celui de la ruse et de la trahison. Quelle fourberie caches-tu ?          
- Simplement ceci : dans la balance de ta décision, considère que je tenterai de m’échapper de ton antre. J’endormirai ta vigilance, apaiserai tes soupçons et troublerai ton attention par mes histoires. Et quand tu t’y attendras le moins, j’aurai disparu. Pourras-tu rêver meilleure moyen de chasser ta lassitude que la garde perpétuelle d’un prisonnier comme moi ? »          
         
         Alors Frawalach éclata d’un rire puissant qui fit trembler la grotte tout entière et détacha la poussière du plafond de la cavité.          
         
         « Tu es drôle petit danseur ! Tromper un dragon ? Fourvoyer Frawalach ? Quelles sont ces fables ? Je relève ton défi, insignifiant Finiarel ! Que tes compagnons s’en aillent, et que tu m’amuses comme tu viens de le faire !          
- Finiarel ! Intervint Aiedail troublée, que proposes-tu là ?          
- Petite princesse, ne t’inquiète pas pour moi, je saurai bien sortir de cet endroit. Et quelle histoire cela fera quand je sortirai ! Personne n’aura de plus grand récit que celui de Finiarel, qui sut échapper au Dragon sous la colline ! »          
         
         Et la voix d’Uvyh souffla à Aiedail que c’était vraiment ce que pensait le jeune danseur, et qu’il n’y avait pas de meilleur moyen de quitter cet endroit. Alors Aiedail fut en colère, et se promit de revenir un jour libérer le danseur par la force dès qu’elle le pourrait.          
         
         Frawalach étendit sa patte, et sépara Finiarel de ses compagnons. Puis, il s’écarta, libérant l’accès au boyau qui sortait de la colline. Aiedail sortit la première, car elle ne voulait pas faire durer les adieux. Weldenmaëla, qui partit la dernière, s’adressa une dernière fois à Finiarel avant de quitter la grotte :          
         
         « Finiarel, je n’ai jamais connu ni en Cythral, ni en Fyr Darric, de danseur comme toi. Je prierai Loec pour qu’il t’aide, et nous reviendrons un jour à ton secours si tu en as encore besoin.          
- Princesse de Loec, ce fut un honneur de partager un chapitre de l’épopée de votre vie. » salua une dernière fois le danseur.          
         
         Et alors les trois voyageurs restant quittèrent la grotte, reprirent leurs chevaux, et partir, car l’orage était terminé, laissant le danseur de guerre entre les griffes du dragon. Ainsi disparut Finiarel, dont on conta ensuite maintes et maintes fois l’histoire dans les halls d’Athel Loren.

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Message par ethgri wyrda Mar 20 Déc - 16:38

La mort de Weldenmaëla

         
         
         Weldenmaëla mena les voyageurs aussi vite qu’elle le pouvait à travers ce qu’il leur restait à parcourir de la forêt automnale. Les haltes le soir étaient aussi courtes que possibles, ils s’arrêtaient tard le soir, et se levaient tôt le matin. Les chevaux confiés par Raenor étaient de bonnes montures, et ils tinrent le rythme sans faillir. La Princesse de Loec avait hâte d’atteindre Fyr Darric, et de s’éloigner au plus vite de l’antre du dragon, et tant Aiedail qu’Ignasia partageaient ces pensées.          
         
         Après l’orage, la pluie ne s’était pas complètement tarie, et de minces rideaux d’eau passaient sur eux plusieurs fois par jour. Le chemin sur la berge du Dovar devint boueux en quelques heures, et au bout de deux jours, la rivière s’aventura dangereusement hors de son lit. Pour éviter ces crues, les voyageurs s’éloignèrent à l’ouest de la rive. Weldenmaëla fut agacée d’être ainsi retardée.          
         
          Ils croisèrent peu d’habitants dans cette partie de la forêt, car les mauvais présages, et la crainte des hordes de créatures du chaos, avaient éloigné la plupart des elfes de ces bois. Ils ne parlèrent qu’à un groupe d’elfes encore en train de paqueter leurs affaires :          
         
         « Nous nous réfugions à l’est, en Talsyn, quittez ces terres avec nous ! Il y a des hommes-bêtes dans les bois ! »          
         
         Et en effet, un important groupe de ces créatures du Chaos s’était enfoncé dans la forêt jusqu’aux berges du Dovar, et de là ils saccageaient les halls abandonnés des environs. Et les enchantements d’Athel Loren étaient impuissants contre ces incursions, car les rejetons du chaos portaient en eux une magie sombre, puissante, et tortueuse.          
         
         Mais Weldenmaëla n’écouta pas leurs conseils, car elle sentait ses forces décliner, et elle ne voulait pas plus retarder son arrivée en Fyr Darric. Aiedail était du même avis, et de plus, elle ne craignait pas les rejetons du Chaos, car elle n’en connaissait rien. Ignasia cependant s’inquiéta de cette menace, car elle doutait que la cheffe de clan puisse se battre si ils étaient attaqués. Plus les jours passaient, plus Weldenmaëla paraissait fatiguée : elle se tenait moins droit en selle et ses yeux étaient moins brillants qu’à l’accoutumé. Ignasia devina alors ce qu’Allisara avait dit à Weldenmaëla quand ils étaient en Mordryn, et elle pleura en secret.          
         
         Alors qu’ils parcouraient la dernière étape de leur voyage, la princesse de Loec commençait à reconnaître les plantes et les reliefs de son pays natal. La cheffe de clan chevauchait constamment auprès d’Aiedail, et lui parlait de son enfance avec un enthousiasme à laquelle sa fille n’était pas habituée. En quelques jours, Aiedail en apprit presque plus sur la jeunesse de sa mère qu’on ne lui en avait jamais raconté. La petite elfe avait toujours été intriguée et attirée par ce royaume étrange dont lui parlait avec passion les danseurs de guerre et sa mère parfois, mais sous cette nouvelle description chargé d’émotion, elle sentit grandir en elle le sentiment d’appartenir un peu à Fyr Darric, avant même d’y entrer.          
         
         Quatre jours après avoir quitté l’antre du dragon, au soir, les trois voyageuses prirent un sentier encaissé entre deux faibles pentes couvertes de fougères fanées. Le ciel s’était enfin calmé, et la fraîcheur du soir était portée par une brise montante. Mais malgré le temps clément, les trois voyageuses étaient inquiètes, car elles avaient toutes les trois mal dormi la veille à cause de mauvais rêves. Elles hâtèrent leurs montures car le lieu n’était pas sûr. Mais quand elles arrivèrent au milieu du sentier, la forêt se tue.          
         
         Il n’y avait plus un bruit d’oiseau, et les chevaux se mirent à piaffer d'inquiétude. Alors elles tirèrent leurs armes, car elles avaient compris qu’elles étaient au milieu d’une embuscade.          
         
         Elles entendirent des tambours et des cris. Ils venaient de l’amont et de l’aval du sentier, mais résonnaient aussi sur leur droite, depuis le fleuve, car c’était là que le gros des hommes-bêtes avaient leur campement. Alors depuis les ombres des sous-bois, une volée de flèches fusa depuis les ombres des sous-bois et tomba sur eux. Et les montures d’Aiedail et d’Ignasia furent touchées à mort et tombèrent au sol, et Ignasia se brisa la cheville dans la chute.          
         
         Aiedail voulait combattre, et elle se releva immédiatement, la lame au clair et scandant des cris de guerre en réponse aux chants barbares des monstres qu’elles ne voyaient pas encore. Et voyant cela, Weldenmaëla crut se reconnaître dans cette guerrière qui faisait face à la bataille avec témérité, et en ressentit de la fierté.          
         
         La petite elfe ne vit pas venir le coup quand Weldenmaëla la frappa à la tête du plat de son épée, et Aiedail tomba au sol, inconsciente. Alors sa mère descendit de cheval, prit sa fille dans ses bras et lui embrassa le front.          
         
         « Il n’y aura pas le temps des adieux que je voudrais t’offrir. Je t’aime, ma petite fille, et je suis fière de toi. »          
         
         Puis elle la porta et la mit au travers de la selle de leur dernière monture, celle de Weldenmaëla, qui transportait les deux lames qu’elle voulait offrir à sa fille. Weldenmaëla frappa violement la croupe du cheval, et celui-ci disparut dans les sous-bois, dans la direction où il y avait le moins de cris de guerre, emportant le corps inanimé d’Aiedail. C’est ainsi que Weldenmaëla sauva sa fille.          
         
         La cheffe de clan fixa la monture des jusqu’à ce que celle-ci disparaisse entre les arbres au sommet de la crête. Alors seulement elle reporta son attention sur les hommes-bêtes, dont les cris se faisaient de plus en plus proches, et sur la guérisseuse qui, au sol, serrait sa cheville brisée. Weldenmaëla se baissa, passa le bras de son compagnon sur ses épaules, et entreprit de la relever. Mais elle trembla sous l’effort, car sa malédiction lui pesait lourdement en présence des rejetons du Chaos. Ignasia le sentit, et souffla :          
         
         « Weldenmaëla, nous ne parviendrons pas à nous sauver toutes les deux d’ici, car mon pied est blessé, et je ne peux pas te suivre. Mais il y a encore dans les sacoches tombée au sol quelques fioles que j’avais préparées pour toi. Prends-les, et avec les forces qu’elles te donneront, fuie, rattrape Aiedail si tu le peux, et sauve au moins ta vie. »          
         
         Mais Ignasia ignorait à quel point Weldenmaëla était souffrante, et la cheffe répondit avec tristesse :          
         
         « Amie, je ne pourrai pas partir assez loin, même avec toute ton aide. Et sans celle que tu m’as prodiguée depuis que j’ai croisé ta route, je n’aurais pas pu partir de chez nous. Je ne peux pas te laisser seule. Je resterai dans ce vallon.          
- Alors il ne nous reste plus qu’à nous battre, même si je n’aurais pas pensé un jour être de ceux qui meurent les armes à la main » conclut sombrement la guérisseuse.          
         
         Ignasia guida fébrilement sa cheffe jusqu’à ses affaires, et lui donna en hâte les potions qu’elle avait préparées. Et Weldenmaëla les but, toutes, car à chaque gorgée son épée lui paraissait moins lourde. Puis, elle se mit en garde et, quand le premier ennemi fut sur eux, elle le trancha en deux d’un seul coup, de l’épaule à la hanche.          
         
         Mais les hommes-bêtes étaient aussi lâches, que maléfiques, et voyant leur congénère tomber mort, les plus fourbes d’entre eux bandèrent leurs arcs afin de tuer à distance ces ennemis qui semblaient dangereux de près. Weldenmaëla se jeta à temps derrière la carcasse d’une de leurs montures, mais Ignasia ne put en faire autant, et un trait l’atteint à la hanche. Alors elle s’effondra et ne bougea plus, car la pointe était empoisonnée.          
         
         Weldenmaëla n’eut pas le temps de faire l’oraison de son amie, car déjà les créatures s’étaient jetées sur elle, avec à la main des haches et des lances de fortune, quand ce n’étaient pas avec leurs simples griffes qu’elles attaquaient.          
         
         Alors Weldenmaëla se releva, et chargea. Et celle qui fut appelée Princesse de Loec dansa pour son dieu tutélaire, les armes à la main. Les potions d’Ignasia, sa fureur et son désespoir brouillaient ses sens et noyaient la douleur des blessures qu’elle recevait. Et pendant quelques minutes à peine, elle retrouva la dangereuse bravoure qui l’avaient fait connaître. Elle brûlait ses dernières forces en défi envers la malédiction qu’elle avait reçue.          
         
         Ses jambes la portaient d’un bout à l’autre du vallon. Son corps se glissait entre ses ennemis, tournoyait et volait au-dessus d’eux. Elle bougeait si vite d’un monstre à l’autre que peu de coups pouvaient l’atteindre.          
         
         Ses bras menaient ses lames droit vers les cœurs, les gorges et les visages. Comme ses yeux étaient voilés de larmes, c’est son instinct guerrier qui guidait son épée. Elle se battit avec tant d'éclat qu’à elle seule, elle vainquit la moitié de la horde qui avait osé lui tendre cette embuscade. Et les autres créatures prirent la fuite en piaillant de terreur.          
         
         Alors elle se lança à leur poursuite. Et elle en tua beaucoup d’autres. Mais dans sa chasse, elle finit par s’égarer. Elle ne voyait autour d’elle plus aucun ennemi, rien que la forêt d’arbres aux troncs noirs qui perçaient un tapis de feuilles jaunes. Alors le voile du combat s’estompa, et l’épuisement l’accabla. Sa main lâcha ses armes, soudain trop lourdes. Elle fit quelques pas chancelants pour atteindre le tronc de l’arbre le plus proche, et s’y adossa. Alors, elle ferma les yeux, et mourut.          
         
         Et elle avait tant effrayé les quelques rejetons du Chaos qui avaient survécus à son courroux, qu’aucun d’entre eux ne s’aperçut qu’elle avait cessé la chasse, et pas une de ces créatures n’osa se retourner, car dans leurs esprits, les cris de guerre de Weldenmaëla les menaçaient toujours.          
         
         Ainsi disparut Weldenmaëla. Et personne ne retrouva ni son corps, ni une vaillance comme la sienne.

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Message par ethgri wyrda Mar 20 Déc - 16:40

Quand Aiedail était perdue
         
         
         Quand Aiedail revint à elle, elle ne reconnut pas la forêt qui l’entourait. Elle avait fini par tomber de cheval sur un tapis de feuilles ocres, et la monture broutait à quelques pas de là. Elle ne se souvenait pas de son départ, et l’absence de ses compagnons l’inquiéta.          
         
         Elle se leva, et marcha jusqu’au cheval car elle n’avait pas ses armes, et elle pensait encore avoir besoin de combattre. Dans les affaires que portrait le destrier, elle trouva deux épées, qu’elle trouva splendides, et elle les admira un long moment. Elle prit la lame sombre à la main, et rangea la longue lame claire car elle brillait trop dans le crépuscule qui tombait sur la forêt. Alors Uvyh lui apprit que la lame sombre s’appelait Brumeuse, et Aiedail s’étonna car la voix était chargée d’émotions. Aiedail ne retrouva pas le talisman que lui avait offert Dame Draya en Tal Drost, car celui-ci était resté dans les affaires de sa précédente monture.          
         
         Sans comprendre ce qui lui était arrivée, la jeune elfe s’inquiéta pour Ignasia et pour sa mère, car elle les pensait encore en vie, et elle se mit à leur recherche. Elle retrouva la piste qu’avait suivi sa monture, et la remonta jusqu’à un ruisseau, où la trace disparaissait. Alors elle se rappela l’embuscade qui se refermait sur elles, et fut prise d’une angoisse intense, car elle ignorait comment elle s’était retrouvée si éloignée au plus fort du danger. Elle appela sa mère à pleine voix, et se mit à chercher au hasard des bois une piste à suivre, comme un limier en détresse. Désespérée, car la nuit tombait, elle en appela à Uvyh :          
         
         « Toi qui sais tant de choses, dis-moi où sont ma mère et Ignasia ! »          
         
         Uvyh mit du temps à répondre, car la voix cherchait ses mots :          
         
         « Aiedail d’égarée, je ne peux pas t’aider à les retrouver, et personne ne le pourra. Ta quête est vaine. Va à Fyr Darric, car il n’y a que là-bas que tu trouveras quoi faire.          
- Parle clairement, je ne comprends pas tes paroles. Réponds- moi ! »          
         
         Mais la voix ne dit rien de plus, comme si la colère d’Aiedail l’effrayait. Alors Aiedail se remit à chercher une piste. Et quand la nuit devint noire, l’elfe s’était complètement perdue dans la forêt.          
                   
         Alors une brume épaisse se leva et engloutit sa vision. Mais Aiedail continua de chercher : elle était accroupie, presque collée au sol, et essayait de retrouver à tâtons les pistes dans l’humus. Mais ses efforts étaient vains, la brume s’épaississait, et elle ne retrouvait plus ni son chemin, ni la moindre trace pouvant l’aider. Uvyh l’implora alors :          
         
         « Aiedail, cesse tes recherches ! Elles ne t’apporteront rien de bon ! Va à Fyr Darric, la terre de tes ancêtres, où tu pourras trouver la joie !          
- Assez, Uvyh ! Je ne veux pas de joie, je veux ma mère ! Si tu ne peux pas m’y aider, va-t’en ! »          
         
         Alors Uvyh se tut, et la brume se dissipa. Mais La nuit était tombée, et Aiedail restait perdue. Seule, elle se tapit contre un tronc et pleura. Hormis ses sanglots, la forêt resta silencieuse toute la nuit.          
         
         Au petit matin, elle fut réveillée par le craquement de feuilles mortes. Elle se leva en sursaut, prit ses armes, et courut vers le bruit. Arrivée au sommet d’une petite crête, elle aperçut à quelques pas en dessous d’elle deux créatures qui se disputaient. Mi-homme, mi-chèvre, bêlantes et caquetantes, l’une couverte de plumes, l’autre d’une fourrure sale, elles étaient à n’en pas douter des rejetons du Chaos. Aiedail se jeta sur les créatures. Elle frappa par surprise la première bête dont la tête s’envola. La seconde bloqua de justesse la lame de l’elfe , et s’enfuit entre les arbres en gémissant. Aiedail se lança à sa poursuite, s’enfonçant encore plus profondément dans les bois.          
         
         La créature fuyait vite sur ses jambes caprines. Elle était endurante, la traque d’Aiedail dura longtemps. Mais l’homme-bête ne connaissait pas la forêt comme la petite elfe. Le monstre trébuchait sur les racines qu’enjambait sa poursuivante. Il était aveuglé par les feuilles et les toiles d’araignées dans lesquelles il courrait, alors que l’elfe écartait ces obstacles qu’elle voyait venir. Inexorablement, Aiedail se rapprochait. Quand le rejeton du Chaos déboucha dans une clairière entourée d’arbres à l’aspect menaçant, il comprit qu’il ne trouverait pas d'échappatoire, et se retourna. Mais l’elfe était déjà sur lui, et immédiatement, elle enfonça Brumeuse dans le front de la créature, entre ses cornes. Aiedail retira son épée, et la bête tomba en avant. Puis, l’elfe s’accroupit pour nettoyer son épée dans la mousse au sol.          
         
         En se relevant, elle réalisa qu’elle avait faim. Elle aperçut un buisson de mûres en lisière de clairière, et en avala la plupart tant elle était affamée. Elle avait les mains et la bouche rougies par le jus des fruits. Ce repas lui fit du bien.          
         
         C’est alors qu’un craquement dans les sous-bois la fit sursauter. Elle se remit en garde et glissa entre les arbres silencieusement pour se rapprocher de la source du bruit. Elle aperçut alors au loin un homme-bête qui courait. Alors le sang de l’elfe ne fit qu’un tour, et elle se lança à la poursuite du monstre.          
         
         Aiedail ne réalisa pas que la bête qu’elle poursuivait était identique à celle qui gisait morte dans la clairière derrière elle. En fait, c’était la même créature, exactement la même, qui fuyait à nouveau Aiedail. L’elfe la rattrapa à nouveau, et la tua. Puis, elle nettoya son épée, entendit un bruit, se relança à la poursuite d’une nouvelle créature du Chaos.          
         
         Et ce cycle se répéta des dizaines, des centaines de fois. Parfois la bête s’essoufflait rapidement, parfois elle courait des heures, mais invariablement, la course s’arrêtait dans la clairière revenue à l’identique.          
         
         Et Aiedail se perdit dans cette chasse sans fin.          
         
         Elle ne parlait plus, car elle ne poussait que des cris de guerre. Elle oublia la grammaire de sa langue, puis les mots eux-mêmes.          
         
         Et finalement, avec les années, elle oublia son nom, et la raison de sa venue dans cette région d’Athel Loren.

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Le Retour (ou histoire du clan du datia yawe) Empty Re: Le Retour (ou histoire du clan du datia yawe)

Message par ethgri wyrda Mar 20 Déc - 16:42

Comment le cycle prit fin


     
         Comme tous les jours, la créature fuyait vite sur ses jambes caprines. Elle était endurante. La traque que lui menait la chasseuse dura longtemps. Mais l’homme-bête ne connaissait pas la forêt comme l’elfe. Le monstre trébuchait sur les racines qu’enjambait sa poursuivante. Il était aveuglé par les feuilles et les toiles d’araignées dans lesquelles il courrait, alors que l’elfe écartait ces obstacles qu’elle voyait venir. Inexorablement, la chasseuse se rapprochait.          
         
         Quand il déboucha dans une clairière entourée d’arbres à l’aspect menaçant, le rejeton du Chaos comprit qu’il ne trouverait pas d'échappatoire, et se retourna. Mais la chasseuse était déjà sur lui, et aussitôt, elle lui enfonça son arme dans le front, entre les cornes. L’elfe retira son épée, la bête tomba en avant. Instinctivement, la chasseuse se dirigea vers le buisson couvert de baies, qu’elle dévora, car comme d’habitude, elle était affamée d’avoir couru toute la journée. C’était toujours ainsi, pensa-t-elle, quand la traque commençait à l’aube.          
         
         Quand elle eut mangé, elle se releva, et tendit l'oreille.          
         
         Il n’y avait pas de bruit. Seulement le grincement des branches et les chutes des feuilles au sol.          
         
         La chasseuse en fut surprise, car normalement, il y avait toujours un craquement. Elle s’en inquiéta, et s’empressa vers l’endroit où, d'habitude, elle commençait sa nouvelle traque. Elle fut stupéfaite de ne rien voir. Alors elle s’avança un peu, prudemment, comme un animal méfiant. Elle finit par trouver l’homme-bête, non loin de l’endroit où elle l’apercevait la première fois d’habitude. Mais la créature était à terre, déjà mort, une javeline plantée dans le torse.          
         
         L’elfe resta hébétée. Il n’y avait plus de traque, pas de direction à suivre, elle ne savait quoi faire. Elle revint à la clairière, collecta quelques mûres, et tendit l’oreille à nouveau. Mais encore une fois, il n’y eut aucun bruit. Elle revint au corps de la créature. Celui-ci n’avait pas bougé. Alors la chasseuse se demanda qui avait pu lui voler sa proie. Elle se pencha au sol, et releva plusieurs traces de pas dans la terre.          
         
         La piste était fraîche. La chasseuse n’eut aucun mal à suivre les indices du passage des tueurs de la bête. La route qu’ils avaient pris était si claire que l’elfe pouvait presque courir en la suivant .          
         
         C’est alors qu’elle tomba sur un groupe de six elfes arrêtés au milieu du chemin, qui faisaient une pause dans leur marche. Essoufflée, la chasseuse s’arrêta, et resta interdite. Les inconnus portaient des capes claires, et étaient armés. Deux d’entre eux arboraient des tatouages spiralés de danseurs de Loex qui semblèrent vaguement familiers à la chasseuse. L’un des elfes portrait sur le dos un carquois de javelines, confirmant à la chasseuse qu’ils étaient bien ceux qui avaient abattu sa proie. Ils étaient des éclaireurs de Fyr Darric, en patrouille aux frontières du royaume du dieu Loec.          
         
         Quand les éclaireurs la remarquèrent, ils ne s’étonnèrent pas de rencontrer à cet endroit perdu de la forêt une elfe en haillons et au regard hagard, car il n’était pas rare de se perdre dans ces terres enchantées de la Forêt d’Athel Loren. Mais quand ils tentèrent de parler à la chasseuse, elle ne sut leur répondre. Alors ils comprirent qu’elle était perdue depuis bien plus longtemps qu’ils ne le pensaient au premier abord.          
         
         Les danseurs de guerre étaient passés maitres dans l’art de communiquer par des gestes et des chants, aussi, même si l’inconnue ne comprenait pas leur langue, ils parvinrent à lui faire comprendre qu’elle pouvait les rejoindre. Le chef du groupe s’appelait Enol, et il était aussi le plus âgé. Il expliqua qu’ils la ramèneraient chez eux, et qu’elle pourrait y trouver habits, nourriture, et foyer. La chasseuse était profondément désorientée, comme si des choses perdues dans la vase de son esprit lui remontaient soudain. Elle les suivit dans leur voyage de retour.          
         
         C’est ainsi qu’Aiedail arriva enfin en Fyr Darric.          
         
         La forêt y était moins dense qu’ailleurs. Les arbres avaient des troncs fins, et leurs branches les plus hautes qui formaient des voutes fines que perçait la lumière. Chaque arbre semblait vivre sa propre saison, et les bosquets combinaient des feuillages verts, ocres, jaunes vifs, et certains était fleuris hors saison.          
         
         Après deux jours de marche au milieu de cette végétation, ils arrivèrent au village des éclaireurs. Celui-ci était grand, plus de trente foyers. Enol présenta la jeune inconnue à son épouse, Hania, et ils décidèrent de l’accueillir chez eux.

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Message par ethgri wyrda Mar 20 Déc - 16:47

Manin en Fyr Darric
     

         
         Les habitants de Fyr Darric, comptaient parmi les plus curieux des elfes, et les enfants se regroupaient devant chez Enol et Hania en espérant découvrir cette inconnue dont avaient parlé les éclaireurs. Pendant plusieurs semaines, la jeune elfe refusa de sortir par timidité. Un guérisseur lui rendit visite pour s’assurer de sa santé, mais en dehors de lui, la jeune elfe ne croisa qu’Enol et Hania.          
         
         Ils étaient les chefs de ce village. En tant que tels, le couple avait souvent à faire au dehors, et même s’ils rendaient visite à la jeune elfe dès qu’ils pouvaient, elle ne les voyait guère qu’une fois par jour. Pendant ce temps, la petite elfe arpentait les couloirs de la grande maison où elle avait été accueillie, ou bien se plongeait dans la contemplation de ses deux épées, qui étaient les deux seuls objets de valeur qu’elle avait amené avec elle. Quand Hania et Enol parvinrent à la convaincre de sortir de chez eux, ils l’accompagnèrent et lui firent découvrir le village. Petit à petit, elle réapprit à parler, même si la plupart du temps elle préférait se taire, par timidité.          
         
         Enol et Hania décidèrent de l’appeler Manin, ce qui signifiait “nièce” dans la langue des asraï. En retour, elle les appela “oncle Enol” et “tante Hania”, ce qui les amusa beaucoup.          
         
         Un soir, alors que Manin préparait le repas pour le foyer en attendant le retour d’Enol, elle entendit une voix qui la fit sursauter en prononçant son nom. Elle lâcha le plat d’olivier qu’elle tenait en main, et se retourna. Mais elle ne vit personne. La voix reprit alors :          
         
         « Manin, n’ai pas peur. Je suis Uvyh, et autrefois tu me connaissais bien. Je ne te demande rien, si ce n’est de pouvoir te parler de temps en temps. Il y a longtemps, tu m’as accordé ta confiance, et cela m’était précieux, mais nous avons été séparées, et il me tardait de te retrouver. »          
         
         Manin ne répondit rien, mais elle sentait que la voix lui était familière, et qu’elle parlait vrai. L’elfe se souvenait d’une voix qui l’aidait et la guidait, mais avait tout oublié des leçons d’Uvyh.          
         
         « Pourquoi vous ai-je oublié ? demanda-t-elle.          
- Je ne le sais pas, car je n’étais pas avec toi. Mais ce que je sais, je te l’apprendrai.          
- Quand apparaîtrez-vous ?          
- Je serai là quand tu seras seule ou que tu auras besoin de moi. Pense à moi, et je serai là, Manin l’égarée. »          
         
         Et ce surnom surprit Manin.          
         
         A partir de ce jour, Uvyh parla quotidiennement à la jeune elfe. Elle lui enseigna les mots que Manon n’avait pas encore retrouvés, lui raconta des contes et des légendes le soir, et lui apprit tout ce que la petite elfe avait oublié sur les dieux, et sur le monde autour de la forêt. Manin s’habitua rapidement à la présence d’Uvyh à tous les instants.          
         
         Au bout de quelques semaines, Manin prit goût à l’extérieur. Elle sortait de plus en plus souvent d’elle-même, et rentrait de plus en plus tard après avoir explorée seule des pans entiers des alentours. Elle s’organisa même des expéditions de plusieurs jours, ne partant qu’avec un arc emprunté à Hania, et avec ses épées qu’elle ne quittait jamais. Quand elle réapparaissait couverte de boue et d’échardes après avoir disparu plusieurs jours, Oncle Enol la réprimandait gentiment pour les inquiétudes qu’elle leur causait, mais intérieurement il était heureux que Manin prenne confiance et découvre le monde.          
         
         Rapidement, lors de ses explorations, Manin rencontra des danseurs de guerre. Ceux-ci étaient nombreux en Fyr Darric, et presque chaque jour, dans chaque village ou dans chaque feu de camp, les adeptes de Loec effectuaient des représentations. Ils y dansaient des histoires ou propageaient les rumeurs et les ragots, selon l’humeur de l’assistance.          
         
         D’abord intimidée, Manin les observait d'abord de loin, cachée dans les futaies ou dans les branches. Mais petit à petit, elle se plut à regarder ces spectacles, à entendre les rires des foules, et elle s’approcha de plus en plus près des scènes avec les yeux brillants. Uvyh lui expliquait les significations de chaque geste, et des notes des différents instruments maniés par les dévots de Loec.          
         
         Un jour que Manin assistait à un de ces spectacle en bordure du village, l’un des danseurs la reconnu, car il avait été dans la patrouille qui l’avait retrouvée dans les bois. Il constata l’intérêt de la jeune elfe, et il lui donna quelques conseils trouver les lieux où dansaient les adeptes de Loec. Alors de plus en plus, Manin sortit de chez Enol et Hania pour assister aux représentations.          


--~~***~~--
       
Danser pour une déesse

         

         En découvrant les rites des danseurs de guerre, Manin était parvenue par des chemins détournés là où Weldenmaëla voulait faire arriver Aiedail.          
         
         A Fyr Darric plus encore qu’ailleurs, les danseurs de Loec tenaient une place primordiale dans la société asraï. Conteurs et messagers dans toute la Forêt, ils tenaient en plus de cela dans le royaume de Loec les rôles de sculpteurs d’arbres, soldats, hérauts, et prêtres. Plusieurs temples étaient dédiés à Loec, et des caravanes ambulantes de danseurs venaient apporter le culte du dieu des arts jusque dans le plus petit village.          
         
         Manin comprit rapidement l’importance de cet art qui l’attirait tant. À chaque représentation auquels elle assistait, elle rêvait de rejoindre la troupe pour jouer le premier rôle disponible, comme le faisaient nombre elfes.          
         
         Mais chaque fois, la voix d’Uvyh intervenait pour calmer son ardeur :          
         
         « Ce rôle ne te convient pas, Manin l’égarée. Tu n’y trouveras pas ta place. »          
         
         Alors Manin se rasseyait sombrement, car elle faisait confiance à Uvyh.          
         
         Deux hivers et deux printemps s’écoulèrent ainsi. Or un jour un messager vint prévenir Enol que l’une des plus nombreuses et prestigieuses troupes de saltimbanques du royaume allait passer dans leur village à la fin du mois. Ils voyaient les choses en grand, et souhaitaient que tous les environs soient en fête, colorés, décorés, éclairés. Tous les habitants étaient invités à se choisir masque et rôle pour participer à la danse, qui s’annonçait comme l’une des plus grandioses que le village n’ait jamais vu.          
         
         Manin, en entendant le messager, désira ardemment se joindre aux festivités, et craignait encore une fois d’être dissuadée par Uvyh. Mais au lieu de cela, dès qu’elle fut seule, la voix lui dit :          
         
         « Joins-toi à la fête Manin, et amuse-toi !          
- Uvyh, qu’y-a-t’ il de changé pour que cette fois-ci tu m’encourages ? Questionna la petit elfe.          
- C’est une occasion qu’on ne manque pas, car tous les rôles seront ouverts, et car la foule sera assez grande pour tes talents, répondit la voix. Et Manin eut le sentiment qu’Uvyh riait de joie.          
- Mais quel rôle endosser ? Il y en a tant ! »          
         
         Uvyh sembla réfléchir quelques instants, puis dit :          
         
         « Tu pourrais par exemple devenir Ladrielle, la déesse des ombres, car personne ne prendra ce rôle à ta place. »          
         
         Et la proposition plut à Manin, car Uvyh lui avait raconté de nombreuses histoires sur Ladrielle, la déesse qui perdait ses ennemis dans les brumes, et guidait les elfes perdus. Elle était une divinité mineure du panthéon, et en dehors des histoires de la voix, Manin avait rarement vu son personnage apparaitre dans les contes.          
         
         Le jour venu, la fête fut grandiose. Les danseurs de Loec n’étaient pas arrivés seuls au village, car dans chaque bourg qu’ils avaient traversé, quelques jeunes gens les avaient suivis. La population du petit village en fut doublée. Hania et Enol avaient fait décorer chaque maison, et avaient fait mettre des fanions colorés aux branches de tous les arbres en vue. La musique, les chants et les rires ne se turent pas pendant trois jours entiers.          
         
         Quand Manin parut, son arrivée réjouit ceux qui attendaient de rencontrer la protégée des chefs du village. Ses cheveux d’habitude relâchés étaient noués en longues tresses à la manière des danseurs, et elle avait soigneusement peint sa peau avec les glyphes associée à la déesse Ladrielle.          
         
         Elle créa la surprise quand elle rejoint la danse. Les histoires des elfes ne sont jamais figées, et ce qu’un danseur raconte, un autre peut l’altérer en montant sur scène, ce que fit Manin de nombreuses fois ce soir. Devant les yeux admiratif du public, Ladrielle sauva le héros Tlapa, perdu dans le désert. La déesse des brumes espionna les romances de Khaine et Atharti, vola à Kurnous une de ses précieuses lances, et noya dans le brouillard un impétueux seigneur humain.          
         
         Ladrielle fut si éclatante, envoûtante, qu’on s’étonna de l’avoir auparavant si peu vu représentée dans les légendes.          
         
         Et, pleinement au cœur des festivités, Manin était heureuse. Elle se sentait à sa place au milieu des sarabandes, et son personnage lui convenait à merveille. Elle ne guidait pas ses gestes, son corps dansait de lui-même. Elle ne choisissait pas ses mots, les chants de Ladrielle lui venaient instinctivement. Et Uvyh chantait avec elle, riait avec elle, et s’adressait par la voix de Manin aux dieux et déesses que jouaient les autres danseurs. En fait, Manin ne savait parfois pas qui d’elle ou d’Uvyh menait ses pas et ses paroles d’un chœur à l’autre.          
         
         Elle participa ainsi aux trois jours de fêtes, tant et si bien que chaque participant, en rentrant chez lui, se souvenait d’au moins une histoire de Ladrielle, la déesse des ombres et des artifices. Après les festivités, Uvyh se tut, et ne parla plus que lorsque Manin jouait Ladrielle avec d’autres danseurs. Alors les jours suivants, Manin reprit cette apparence et rejoint les représentations qui étaient données au village, car elle aimait entendre la voix se mêler à la sienne.          


--~~***~~--
         
La colline de la guerrière

         

         
         Reconnaissant ses talents, les troupes de danseurs de passage lui proposaient parfois de les accompagner dans leurs tournées. Hania et Enol dirent à Manin que c’était un grand honneur qui lui était fait, et elle accepta ces invitations. Elle effectua ainsi plusieurs voyages de quelques semaines dans Fyr Darric, et participa aux danses et aux fêtes partout où ils allaient. On finit par s’habituer dans le royaume à voir apparaître Ladrielle aux côtés d’Isha, Kurnous et Loec dans les spectacles.          
         
         Lors d’un de ces voyages, Manin suivit un groupe d’une dizaine de danseurs qui partait égayer le nord-ouest du royaume. Ils campèrent un soir sur le flan d’une colline solitaire et dégarnie. Manin remarqua avec surprise que le tapis de mousse humide qui couvrait le sol cachait par endroit des souches coupées, des pierres érodées, et des bouts de métal rouillés enfoncés dans la terre. Dans le paysage alentour, elle aperçut de détails qui faisaient écho à ses souvenirs. Tout cela l’intrigua :          
         
         « Ce lieu m’est familier, pourtant je n’y suis jamais venu. Quel est cet endroit ?” demanda-t-elle à ses compagnons de voyage.          
- Cet endroit a sa légende, on l’appelle Mont-des-chants. Sans doute l’as-tu déjà entendu ?          
- Ce nom ne me parle pas. Raconte-moi cette histoire ?          
- C’est une histoire triste, que l’on ne danse pas beaucoup. Il y avait autrefois ici un clan dévoué à Loec qui emplissait de joie toute la région. Ils avaient une reine dit-on, et celle-ci était la meilleure épée de toute la forêt. Mais ses talents attirèrent la jalousie des dieux sombres, et ils la punirent en envoyant des légions abattre les halls de ses ancêtres. C’était ici, sur cette colline, et ce que tu as vu dans le sol sont les restes de la grande bataille qui eut lieu sur ces pentes. Tout fut ravagé dans la lutte, et le clan fut éparpillé. La reine erra de par le monde, dévastée par la perte de son clan. On dit qu’elle disparut dans les bois sombres du sud d’Athel Loren, et qu’elle mourut des années plus tard. »          
         
         En entendant cette histoire, la gorge de Manin se serra.          
                             
         « Connaît-on le nom de cette reine ?          
- On l’appelait Weldenmaëla, mais peut-être que dans d’autres contrées on la connaît sous d’autres noms. »          
         
         Alors des yeux de Manin se mirent à couler des larmes sans qu’elle ne comprenne pourquoi. Une tristesse intense et sourde lui prit le ventre et l’esprit, et elle s’éloigna de ses compagnons pour pleurer seule au sommet de la colline. Alors elle en appela à Uvyh :          
         
         « Uvyh ! Que m’arrive-t-il ? Toi qui me connais mieux que quiconque, dis-moi d’où me viennent ces larmes ?          
- Ces larmes ne sont pas celles de Manin, ce sont celles d’une autre qui connaissait cet endroit par les contes qu’elle avait entendu quand elle était enfant.          
- Qui est-elle ? Était-ce moi avant qu’Enol ne me retrouve ?          
- Elle aurait pu être toi, si elle était arrivée ici avec sa mère. Mais les dieux sombres les en ont empêchées. Son nom était Aiedail, et le tien est Manin, celle qui fut retrouvée.          
- J’ai si mal ! Pourquoi ressens-je tant de chagrin ?          
- Aiedail a beaucoup perdu pour arriver ici, dont elle-même, et ceux qu’elle aimait. C’est sa peine et son soulagement qui t’affecte, pauvre Manin.          
- Je préfère être Manin, la danseuse de Ladrielle, plutôt que cette Aiedail qui souffre tant ! J’ai si mal !          
- Aiedail a besoin de pleurer, tu ne peux pas l’en empêcher. Mais quand le soleil se lèvera, nous partirons, Manin. Et nous laisserons la tristesse derrière nous. »          
         
         Le lendemain, à l’aube, Manin redescendit avec les autres danseurs. Ses yeux étaient rouges, et sa gorge enrouée, mais son ton était assuré. Elle ne parla pas de ce qui s’était passé sur la colline.          
         
         
--~~***~~--
         
Manin la renommée

         
         
         Dans les mois qui suivirent, Manin s’impliqua de plus en plus dans les tournées des danseurs. Elle allait d’elle-même trouver les artistes de Loec pour leur proposer de partir en voyage. Enol et Hania étaient heureux de la voir prendra sa propre route, même si ces voyages l’éloignaient beaucoup plus souvent d’eux.          
         
         Elle jouait de moins en moins Ladrielle comme une déesse mineure dans les grandes légendes. De plus en plus, elle volait le devant de la scène. Son personnage trompait les autres dieux, se rendait indispensable aux héros, et volait aux autres acteurs les clés des intrigues. Et toujours les applaudissements suivaient, car sa voix argentine et les ondulations fluides de ses membres envoutaient son public et les autres danseurs. On disait que ses pas légers jamais ne se posaient vraiment          
         
         Et en Manin, la voix d’Uvyh chantait. La danseuse se laissait porter par cette voix, par son timbre sûr qui lors des danses l’emplissait d’énergie. Elle était la première emportée par le personnage de Ladrielle.          
         
         Peu à peu, la voix d’Uvyh devint plus qu’un son. Elle devint une vibration, un souffle qui courait dans tout l’être de Manin. Ceux qui croisaient les yeux de la jeune danseuse racontaient avoir briller deux étoiles. A plusieurs reprises, de la brume coula de ses paumes, et cette magie étonna son assistance. Mais Manin ne remarquait même pas ces manifestations, car elle était tout absorbée dans son rôle de Ladrielle.          
         
         La réputation de Manin se mit à la précéder, et partout où elle décidait d’aller, une foule attendait avec hâte les histoires qu’elle racontait. La magie qui se déployait autour d’elle y était pour beaucoup, mais jamais son public n’oubliait son adresse, ses chorégraphies mystérieuses, et les contes nouveaux qu’elle apportait. Le nom de Manin, dévote de Ladrielle, devint renommé dans tout Fyr Darric.          
         
         Uvyh lui racontait aussi d’autres histoires de Ladrielle, lui parlait en détail de la vie de la déesse, de ses relations avec les autres dieux, avec les mortels, et tout ce que la divinité avait fait et que les contes ne racontaient pas. Et Manin apprit tout.          
         
         Quand elle dansait, elle incarnait un personnage avec tant de conviction, de réalisme, et entourée de tant de manifestations magiques, que les elfes qui la voyaient se demandaient parfois si Ladrielle elle-même n’était pas devant eux. Et Manin doutait aussi parfois de ne pas être Ladrielle.          
         
         Manin rêvait beaucoup le soir. Elle voyait dans ses songes des grands arbres sombres dans des collines escarpées, de longues marches dans la neige, et d’autres souvenirs qui avaient été ceux d’Aiedail.          
         
         Elle rêva parfois aussi de Weldenmaëla, et revivait la nuit les légendes qu’elle entendait sur la princesse de Loec. Elle se réveillait alors troublée, et mêlait des bribes de ses songes aux histoires de Ladrielle.

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Le Retour (ou histoire du clan du datia yawe) Empty Re: Le Retour (ou histoire du clan du datia yawe)

Message par ethgri wyrda Mar 20 Déc - 16:50

Affaires de magiciens

         
         
         Depuis son départ précipité de Mordryn Erisdar n'était pas resté inactif. Réveillé par des présages néfastes, il avait quitté la compagnie de Weldenmaëla quelques années plus tôt, et était parti plein nord à cheval. Il avait eu le sentiment que l’ami qu’il devait rejoindre avait un besoin urgent de son aide.          
         
         Il avait passé le fleuve Brienne, et avait chevauché avec hâte au travers de Talsyn par des routes qu’il connaissait bien. Arrivé aux frontières nord de ces terres sûres, il avait réclamé une escorte à un seigneur local pour finir son voyage jusqu’au royaume d’Argwylon, à l’extrême nord d’Athel Loren.          
         
         Il était soucieux pour ses compagnons laissés en Mordryn, et s’en voulait de les abandonner si brusquement, mais il avait Weldenmaëla en haute estime, et il ne doutait pas qu’elle parviendrait au but de son voyage. Il s’inquiétait aussi pour Aiedail, dont l’aura l’intriguait toujours, mais les dangers qu’il avait vu en songes surpassaient de loin ce qu’il interprétait encore comme une simple anomalie magique chez la petite elfe.          
         
         Après trois semaines, il arriva au but de son voyage : La tour de Ranu le magicien. Ranu ressemblait à sa tour, et la tour était semblable à Ranu : vieille, branlante, penchée, mais haute, élancée, et solide. Ranu était en ces temps-là le plus grand lanceur de sorts d’Athel Loren. Il avait don de voyance, parlait aux animaux, et pouvait faire sortir de terre les plus grands édifices, comme la tour où il passait ses journées seul, entouré d’un jardin abandonné depuis longtemps et envahi d’arbres maintenant centenaires. Quand Erisdar arriva, il trouva Ranu assis sur une chaise en paille au pied de son édifice, lisant dans la pénombre des sous-bois.          
         
         Erisdar le salua avec familiarité, car les deux se connaissaient bien :          
         
         « Salutation Ranu ! Comment vas-tu depuis nos derniers aurevoirs ?          
- Salutation Erisdar, tu n’es pas parti très longtemps » répondit froidement l’ermite.          
         
         Erisdar constata avec amertume que la misanthropie de son ancien ami ne faisait qu’empirer. Il n’était pas allé voir Ranu depuis près de dix ans. Il enchaîna immédiatement par la raison de sa venue :          
         
         « Je t’ai vu en songe, mon ami. Ces songes étaient sombres, et je ne les ai pas compris, mais j’ai ressenti beaucoup de peur cette nuit-là. J’y ai vu des nuages noirs qui venaient du nord et de l'ouest, et d’autres encore qui montaient depuis ta tour.          
- Voilà des présages bien sinistres et intrigants, Erisdar, réagit Ranu, tout à coup plus attentif. J’ai moi aussi des songes que je ne comprends pas, et cette incompréhension est déjà une information.          
- Et qu’y vois-tu ?          
- Parfois ma tour, comme toi, et parfois autres choses.          
- Ranu, que fais-tu dans ta tour ? interrogea le tisseur de charme, inquiet.          
- J’étudie, Erisdar, j’étudie en solitaire des mystères insondables qui me prennent beaucoup de temps.          
- Et quelles sont ces mystères ?          
- Rien d’important, trancha Ranu en se levant. Des jeux de dés. »          
         
         Erisdar n’obtint pas plus d’informations ce jour-là, et devant le mutisme de son ami, il n’insista pas. Il était aussi épuisé à cause du voyage. Ranu lui permit de loger dans une petite annexe en bois de sa tour, mais ne l’autorisa pas à entrer dans la tour elle-même. Ils dînèrent ensemble dans le jardin, et allèrent chacun de coucher.          
         
         Au petit matin, Erisdar trouva Ranu devant sa porte, les yeux cernés.          
         
         « Pardonne mon accueil d’hier, car j’ai besoin de toi mon ami. »          
         
         Erisdar ne se formalisa pas de ce revirement, car il connaissait le tempérament de son ami.          
         
         « j’ignore quel dieu t’a envoyé ces songes, mais je l’en remercie, car jusqu’à ce que tu me parles hier, je n’avais pas réalisé à quel point le temps me manquait. J’ai besoin que tu m’aides dans mon projet.          
- Tu es bien secret. Quel est ce projet ?          
- C’est une cage. Une grande cage.          
- Pourquoi voudrais-tu construire une cage Ranu ? »          
         
         Mais Ranu ne répondit qu’à demi-mot :          
         
         « Il y a peu de raisons de construire des cages. »          
         
         Erisdar reposa sa question ce jour-là, et tous les suivants, mais il n’obtint pas d’autre réponse de l’ermite. Cependant, l’inquiétude d’un mage si puissant et renommé suffit à lui faire comprendre que l’affaire était sérieuse, et il accepta d’aider son ami dans son entreprise.          
         
         Ils travaillèrent plusieurs mois à cette cage. Ils sillonnèrent les alentours pour chercher les essences d’arbre qui convenaient à Ranu pour le bois, et ils tissèrent des sortilèges autour des arbres pour qu’ils poussent selon les formes et les dimensions désirées. Ils utilisèrent beaucoup de sureau, arbre éminemment magique, et Erisdar en déduisit que quel que soit la bête à laquelle était destinée la cage, elle n’était pas ordinaire. Puis, ils emportèrent le bois et l’enchantèrent avec des runes de solidité. Et bien qu’ils fussent tous les deux formés aux arts magiques, cela leur prit plusieurs semaines et beaucoup d’efforts, car les sorts choisis étaient puissants.          
         
         Ils achetèrent de l’argent et de la fonte, qu’ils coulèrent et façonnèrent en barreaux et en clous. Tout cela leur prit six mois, et il leur en fallut trois de plus pour assembler toutes les parties de la cage. Sur les consignes de Ranu qui, fébrile, semblait avoir longuement réfléchi à chaque détail de l’objet, ils montèrent les éléments de bois pour former les contours d’une cloche deux fois et demie plus haute qu’un homme, et moitié moins large. Ils relièrent cette ossature de sureau avec les barreaux de fonte, que Ranu fit tordre selon des angles improbables. Erisdar remarqua que le métal ainsi déformé formait des runes cabalistiques dont il ne reconnut pas la signification. Enfin, ils clouèrent à travers la structure de bois les longs clous d’argents, dont la pointe dépassait d’au moins deux pouces vers l'intérieur de la cage.          
         
         Pendant toute cette période, Erisdar logea dans la dépendance de la tour, mais Ranu ne l’autorisa pas à entrer dans la tour elle-même. Bien que tenaillé par sa curiosité, Erisdar respecta cette interdiction, car on disait le lieu dangereux, et il ne souhaitait pas s’attirer les foudres de son ami. Tout juste se permit-il quelques regards au travers des fenêtres et des meurtrières du premier étage du bâtiment. Parfois, il y voyait des formes massives qui tournaient, y entendait de lourds bruits de pas, et il eut souvent le sentiment d’être observé depuis les ombres, mais il ne distingua rien de précis de l'intérieur.          
         
         Enfin, ils terminèrent la construction de la cage. Ils passèrent encore plusieurs semaines à tisser des enchantements autour de l’objet, car Ranu ne semblait pas encore satisfait. Quand tout cela fut terminé, l’ermite fit poser la cage sur des rondins de bois, et ainsi il put l’emporter dans sa tour. A nouveau, il insista pour que son ami n’entre pas cette nuit. Et Erisdar obéit.          
         
         Cette nuit-là, le tisseur de charme ne dormit pas, car il entendit des rires depuis la tour toute la nuit. ceux-ci n’appartenaient pas à Ranu, ni à aucune créature que connaissait Erisdar, mais éveilla chez lui plusieurs cauchemars enfouis. Le rire était tantôt un croassement rauque, tantôt un ricanement stridant et désaccordé. Il y eut des lumières aussi, mais effrayé, Erisdar resta tapi dans la dépendance, et n’osa pas sortir jusqu’à l’aube, où tout s’arrêta.          
         
         Le lendemain, Ranu parut. Il paraissait serein pour la première fois depuis l’arrivée de son ami. Mais il était aussi épuisé, au point que sa lèvre et sa main tremblaient.          
         
         « Nous avons fait de grandes choses ces derniers mois, commença-t-il. Je ne te remercierais sans doute jamais assez pour ton aide.          
- Me diras-tu ce que nous avons accompli ? Qu’est devenue la cage ? interrogea Erisdar.          
- Ce que nous avons préparé a servi, répondit énigmatiquement Ranu. Il y a désormais une menace de moins pour notre forêt.          
- Tu m’en vois plein de joie, mon ami, mais je ne suis pas certain de ce que tu m’as fait entreprendre.          
- Il y a des choses qui doivent rester cachées si je veux conserver ton estime pour moi, Erisdar. Je ne te dirai rien de plus de peur d’attirer ton courroux. »          
         
         Dans les jours suivants, Erisdar se reposa dans la dépendance et se promena avec Ranu dans les environs. Pour la première fois depuis de longs mois, il put dormir tard en journée. la compagnie de Ranu devint aussi plaisante qu’elle avait été distante jusque-là, et les deux vieux elfes passèrent de longues heures sur les chaises en paille de Ranu à contempler les sous-bois.          
         
         Cela dura deux semaines. Mais un matin, Ranu dit à Erisdar  :          
         
         « Ton aide m’a été précieuse, et ta présence réconfortante. Mais tu as laissé quelque chose de côté pour m’aider, et j’ai rêvé que des évènements sinistres étaient survenues. »          
         
         Alors Erisdar comprit qu’il était arrivé quelque chose à Weldenmaëla et ses compagnons, et il en conçut une grande préoccupation.          
         
         « Ne t’en veux pas de les avoir quittés, car ce que nous avons accompli ici était nécessaire. Mais cette tâche est terminée, et une autre t’incombe désormais. »          
         
         Le lendemain, Erisdar quitta la tour de Ranu, et partit à la recherche de Weldenmaëla, Ignasia, Aiedail et Finiarel.          
         
         Erisdar commença par chercher en Mordryn, auprès du seigneur Raenor. Mais celui-ci lui dit qu’il n’avait pas vu ses anciens compagnons depuis des mois. Il informa Erisdar sur des pillages des hommes-bêtes et de ses efforts pour rattraper Weldenmaëla. Alors le mage prit la route qu’avait suivi Weldenmaëla, inquiet.          
         
         Sur son chemin, il rencontra de nombreux habitants revenant chez eux après les ravages des hommes-bêtes, car ils avaient entendu dire que la région avait été mystérieusement pacifiée. Leurs récits confirmèrent les craintes d’Erisdar sur les dangers aux devant desquels Weldenmaëla était allée.          
         
         Il remonta tout le cours de la rivière Dovar, et parvint en bordure de Fyr Darric. Il ne passait pas volontiers cette frontière, car les fastes des adorateurs de Loec ne lui plaisaient pas. Néanmoins, il se força à aller enquêter dans les villages de ce royaume aussi. Ici, pas plus qu’ailleurs, personne ne put lui donner de nouvelles de la princesse de Loec, et Erisdar en déduit qu’elle n’était pas parvenue au but de son voyage, car son arrivée n’aurait pas pu passer inaperçue sur ces terres. Alors il fut pris de chagrin, car l’espoir de revoir ses compagnons en vie devenait bien faible. Alors il alla plus au sud pour chercher de nouvelles pistes.          
         
         Dans une taverne où il avait fait halte, il prêta l’oreille aux chants d’un groupe d’éclaireurs qui affirmaient avoir vu une guerrière aux cheveux écarlates pourchasser une harde d’hommes-bêtes, et ils propageaient la rumeur que c’était elle qui avait nettoyé la région de la menace quelques mois plus tôt. Alors il les approcha et leur demanda de lui raconter ce qu’ils avaient vu.          
         
         « Nous cherchions à connaître l’endroit où les rejetons eu chaos avaient établis leur campement. Mais au lieu de cela, nous avons rencontré la harde, en fuite devant une seule guerrière. Elle saignait de mille coupures, et nous voyions bien qu’elle ne pourrait pas y survivre sans notre aide, mais elle courait si vite devant nous que nous l’avons perdu, hélas.          
- Est-ce tout ce que vos yeux ont vu ? Demanda Erisdar.          
- Non, mais la suite est encore plus étrange, et nous ne sommes pas tous sûrs de l’avoir vu ou rêvé. Le lendemain matin, nous nous étions remis en route, et deux de mes camarades et moi-même avons aperçu une autre personne qui courrait, et qui avait les mêmes traits que la personne de la veille. Elle chassait un homme-bête , et comme le jour précédent, nous la perdîmes presque aussitôt.          
- Je comprends mieux l’histoire à présent, dit amèrement Erisdar. Éclaireurs, n’ayez aucun regret de n’avoir pas pu rattraper la première guerrière, car malgré tous vos soins, vous n’auriez pu la sauver. »          
         
         Alors Erisdar quitta la taverne et s’en fut le cœur lourd vers les bois où l’éclaireur lui avait dit avoir croisé ce que le magicien comprit être Weldenmaëla et sa fille. Il pensait pouvoir encore retrouver Aiedail et en avait fait sa mission première, en hommage pour ses parents perdus.          
         
         Sur les indications des éclaireurs, il trouva la courbe du fleuve où les rejetons du Chaos avaient campé, et non loin de là la vallée où avait eu lieu l’embuscade de ses compagnons. Il y trouva de nombreux ossements de créatures mutées, et leurs armes en quantité. À quelques pas de là, il trouva une sépulture de fortune qu’un voyageur avait sans doute offert à l’un des corps, et sur celle-ci, le passant avait posé ce que Erisdar reconnu comme l’une des parures que portait Ignasia. Et il en fut rempli de chagrin.          
         
         Mais de Weldenmaëla, Aiedail et Finiarel, il ne trouva nulle trace.          
         
         Alors il chercha au hasard des rumeurs, allant tantôt au nord, tantôt au sud selon ce qu’il entendait. Mais toutes ses pistes s’avéraient infructueuses, et au bout de huit années, Erisdar abandonna ses recherches et ne les reprenait plus que si quelque chose de nouveau lui parvenait, et il était alors souvent déçu.

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Le Retour (ou histoire du clan du datia yawe) Empty Re: Le Retour (ou histoire du clan du datia yawe)

Message par ethgri wyrda Mar 20 Déc - 16:54

Retrouvailles et séparations
         


         Or un jour, au hasard de ses pérégrinations, Erisdar entendit parler d’un conte dont il n’avait jamais eu vent auparavant, et ce conte s’appelait « Finiarel et le dragon ». Le magicien fut surpris d’entendre ce nom, car il n’était pas courant, et car le récit ne ressemblait à aucune légende qu’il connaissait. Il demanda donc au conteur qui lui avait raconté cette histoire.          
         
         Ainsi, de conteur en conteur, de barde en barde, il remonta cette piste jusqu’à un voyageur qui lui apprit qu’il avait entendu cette légende lors d’une fête organisée dans un petit village de Fyr Darric. Alors Erisdar s’y rendit, et c’était la première fois depuis longtemps qu’il entrait dans le royaume des danseurs de Loec.          
         
         Il trouva rapidement le village en question, car partout sur sa route on lui recommandait les spectacles qui y étaient donnés. Quand il y arriva, il fut chaleureusement accueilli par Enol, car il avait déjà entendu parler d’Erisdar comme d’un sorcier renommé. Enol lui offrit de rester dans le village et l’invita à assister à une représentation le soir même :          
         
         « Ma nièce et sa troupe reviennent de voyage cette après-midi et fêteront cela par une grande représentation. Serez-vous avec nous ce soir pour y assister ? »          
         
         Erisdar surmonta son mépris pour les danses et accepta l’invitation de son hôte en souriant.          
         
         Le spectacle commença dès que le soir tomba. La foule s’était rassemblée dans une clairière un peu en contrebas du village. Les elfes s’assirent dans l’herbe, et attendirent avec impatience.          
         
         Un premier danseur sauta sur la scène, arborant de grandes cornes de cerf et jonglant avec des torches colorées. Une autre survint, la peau entièrement peinte de spirales. Elle sautillait autour du premier en riant et faisait tourner une longue lance finement ouvragée autour de son bras. Une troisième les rejoint,  puis un autre, et enfin un cinquième. Chacun était décoré pour évoquer un dieu du panthéon. Ils chantaient, et la foule reprenait leur chant. Ils virevoltaient, réalisaient des sauts prodigieux d’un bout à l’autre de la scène, s’envoyaient parfois des coups de leurs armes qu’ils esquivaient avec adresse et exagération. Et Erisdar lui-même se prit à admirer la beauté du spectacle, et il en fut troublé.          
         
         Alors de la brume monta depuis le fond de la scène. Et le sorcier sentit qu’il y avait là de la magie. Et de la brume se leva Manin. Ses cheveux étaient prolongés de fins voiles gris, et le haut de son visage était masque d’un foulard sombre. Elle tenait à la main un fourreau avec lequel elle fendait les brumes. Ainsi parée de tous les attributs de Ladrielle, Manin commença sa danse, et après quelques pas elle entra en transe et, sans être vue des yeux des elfes, Uvyh dirigea ses gestes.          
         
         Mais Erisdar était un magicien, et il perçut le changement qui s’opérait chez la danseuse. Et alors il reconnut Aiedail en cette elfe qui incarnait Ladrielle, et il comprit ce qui se jouait sous son regard. Le magicien se redressa subitement, de toute sa hauteur. Il étendit les bras et lança d’une voix grave un enchantement. Alors une nuée affolée de corbeaux, de moineaux, d’alouettes et de tous les oiseaux des alentours fondit des sous-bois depuis tous les côtés, dispersant la foule paniquée, et dissipant la brume. Quand le vol repartit, il ne restait plus sur les lieux qu’Erisdar et Manin qui, imperturbable, dansait.          
         
         Alors le magicien tendit à nouveau la main, et prononça à nouveau quelques mots chargés de magie. Manin se figea, écarquilla les yeux comme si elle s’éveillait d’un profond repos, et enfin remarqua Erisdar en face d’elle. Elle le regarda avec curiosité. Mais celui-ci ne lui renvoya pas son regard, car à côté de Manin était apparu une troisième personne. Celle-ci était identique à la jeune danseuse, et dans la même pose interrogative. Sur l’espace herbeux qui formait la scène, il y avait désormais deux Ladrielle. Et le magicien observait cette apparition, à l'affût de la moindre de ses actions.          
         
         « N’as-tu pas honte, cadette des dieux ? » Lui adressa-t-il d’une voix forte.          
         
         Alors l’apparition répondit, pleine de colère, et sa voix était celle d’Uvyh :          
         
         « De quel droit me parles-tu ainsi !          
- Tu es Ladrielle, Dame des brumes, mais ce que tu fais ici est indigne d’une déesse, même de la dernière d’entre elles. »          
         
         Alors elle rétorqua :          
         
         « Oui, je suis Ladrielle ! Je suis venue ici pour trouver un abris, comme l’ont fait Isha et Kurnous autrefois. Quel mal y-a-t ‘il à cela ?          
- Pour atteindre ton but, tu as subjugué Aiedail, tu l’as détournée de la vie qui avait été préparée pour elle.          
- Non ! Uvyh s'est alliée à Manin, qui avait besoin de moi. Notre alliance n’est pas différente de celle qu’ont Isha et Ariel, ta reine, ou Kurnous et Orion, ton roi ! »          
         
         Et prononçant ces mots, elle saisit la main de Manin qui tressaillit. Mais Erisdar répondit avec calme :          
         
         « Ariel et Orion ont demandé à accueillir Isha et Kurnous. Mais Aiedail, que t’a-t-elle demandé ? Elle marchait dans les pas de Weldenmaëla, allait reprendre la charge de Skolir dans son clan. Mais à la place, tu lui as imposé ce rôle d’avatar de Ladrielle. Était-ce ce qu’elle voulait ?          
- Elle n’est plus Aiedail, Aiedail a disparu il y a des années. Elle est Manin, et elle est plus heureuse aujourd’hui qu’elle ne l’a été depuis des années. J’ai confiance en elle, et de jour en jour nous nous rapprochons. Bientôt nous ne serons que Manin, avatar de Ladrielle.          
- Tu lui fais confiance, mais tu lui as caché tout ce temps qui était Uvyh. Tu la laisses dans l’ignorance de tes projets. Elle ne s’offre pas pour accueillir Ladrielle, mais Ladrielle a enlevé Aiedail, la fille de Weldenmaëla, pour ses propres desseins » trancha Erisdar avec sévérité.          
         
         Ladrielle parut hésiter. Ses doigts desserrèrent ceux de la jeune danseuse, et glissèrent de sa main. Mais Manin les rattrapa, et s’agenouilla face à la déesse. Ses traits étaient apaisés, et son visage, à moitié couvert par le voile de son personnage, souriait.          
         
         « Dame Ladrielle, c’est un honneur pour votre danseuse d’être en votre présence. Et Uvyh, c’est un honneur d’enfin se rencontrer réellement.          
- Manin, que penses-tu en ce moment ? murmura la déesse.          
- Il manque à Manin un passé, et depuis ce soir sur la colline, je sais que ce passé est Aiedail. Je ne peux pas abandonner les chemins qui ont été tracés pour moi. Aiedail doit les explorer. Manin ne le peut pas. »          
         
         Alors Ladrielle réalisa qu’elle n’avait pas agi avec Aiedail avec franchise. Elle avait manipulé l’enfant, et modelé la danseuse selon sa volonté. Elle avait trompé celle qu’elle attendait comme refuge, et malgré tout ce que la déesse avait raconté d’elle-même à Manin, jamais elle ne s’était suffisamment dévoilée pour que l’elfe puisse réellement devenir son incarnation. Ses espoirs étaient voués à l’échec.          
         
         « Uvyh, merci d’avoir été là quand j’en avais besoin, merci de m’avoir guidé et consolé, mais maintenant je dois reprendre la route dont je me suis écartée » ajouta Aiedail.          
         
         Erisdar hocha la tête et s’éloigna pour laisser les deux Ladrielles.          
         
         La déesse écarta une larme qui coulait de sa joue, puis releva Aiedail.          
         
         « Aiedail, je suis bien Ladrielle, la Dame des brumes, déesse des elfes. Je suis venue à toi, car je savais qu’un jour tu serais perdue et que tu aurais besoin de moi.          
- J’étais bien Aiedail l’égarée, et je le suis toujours, même après que ma route m’ait retrouvée. L’égarée que je suis aura besoin de sa déesse tutélaire.          
- Je te promets mon aide, petite elfe. Mon aide, et mon amitié. Je te connais mieux que quiconque, et veillerai sur toi.          
- Ladrielle, j’ai aimé te représenter dans les danses. Nous avons accompli beaucoup de choses, et désormais, nombreux seront les danseurs qui voudront jouer les histoires que nous avons contées.          
- Au revoir Aiedail, puissent les étoiles veiller sur ton chemin.          
- Au revoir Ladrielle. Puissent-elles t’aider à trouver ce que tu cherchais en moi.          
- J’espère que tu me danseras quelques fois.          
- Nous danserons, Uvyh, chaque fois que nous en aurons l’occasion. »          
         
         Après ces adieux, la brume se leva à nouveau. Elle enveloppa les deux Ladrielle en quelques instants, et quand elle se dissipa, seule restait Aiedail, debout au milieu de la clairière.          
         
         Quand la déesse fut partie, les elfes qui s’étaient enfuis approchèrent timidement. Ils n’avaient pas entendu les paroles qui avaient été échangées, mais ils avaient compris que quelque chose était changé en Manin. Aiedail se tourna vers eux et l’émotion noua sa gorge plusieurs fois avant qu’elle ne parvienne à parler :          
         
         « Compagnons, je dois repartir. Beaucoup de choses m’attendent au sud, des choses que j’ai hélas abandonnées trop longtemps. Merci à tous, merci mille fois de m’avoir accueillie ici »          
         
         Alors tous l’entourèrent, et lui souhaitèrent bonne chance. Aiedail alla voir Enol et Hania, car elle ne pouvait par partir avant de les voir tous les deux.          
         
         « Oncle, Tante, jamais je ne pourrai oublier ce que vous avez fait pour Manin. Que les dieux veillent sur vous deux, comme vous avez veillé sur moi.          
- Manin, ou quel que soit ton nom, répondit Hania, nous nous reverrons souvent, car tu es toujours notre nièce, peu importe l’endroit où tu dois aller. »          
         
         Ils s’enlacèrent longuement, et se quittèrent les yeux embués. Aiedail quitta le village à grands pas, car elle ne voulait pas s’attarder, et risquer d’être saisie dans les griffes de la nostalgie. Elle rejoignit Erisdar qui l’attendait à quelques distances de là, et ils prirent la route du sud.

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Message par ethgri wyrda Mar 20 Déc - 16:57

Le retour d’Aiedail en Cythral
     

         
         Aiedail et Erisdar traversèrent le royaume de Talsyn pour rejoindre Cythral.          
         
         Aiedail ne parlait presque pas, car tel était son caractère. Mais les quelques inquiétudes que ce mutisme éveilla chez le sorcier furent vite effacés par le reste du comportement d’Aiedail : Elle explorait autour du chemin à la recherche des traces de la faune, contemplait les plantes de Talsyn, et échangeait quelques pas de danse chaque fois qu’elle croisait des danseurs de Loec. Elle était joyeuse.          
         
         En Talsyn, loin des frontières agitées de la forêt, les arbres étaient tous immenses et anciens, aux splendides feuillages d’un vert profond. Ce royaume était en ces temps-là un domaine épargné, que l’on pouvait arpenter sans risques, et Erisdar regretta amèrement que Weldenmaëla n’ait pas choisi cette route en allant du Sud au Nord. Mais alors elle n’aurait pas pu tenter sa chance auprès d’Allisara, se disait le magicien. Cela n’en avait pas valu la peine. C’est en ruminant ces pensées qu’Erisdar marchait.          
         
         Parfois, quand Aiedail était à ses côtés, il lui donnait les nouvelles de son clan. En l’absence de leurs chefs, plusieurs elfes s’étaient aventurés dans tout Athel Loren à la recherche de Weldenmaëla. Mais la plupart du clan était resté, dans l’espoir que leur suzeraine revienne un jour. Et quand Erisdar parlait de sa terre natale, Aiedail pressait l’allure inconsciemment afin d’arriver au plus vite.          
         
         Ils croisaient parfois des groupes de voyageurs qui leur disaient vouloir aller à Fyr Darric afin de voir les spectacles qu’y donnaient les danseurs de guerre. Et certains ajoutaient qu’ils avaient entendu parler de nouvelles histoires que l’on contait sur Ladrielle, la Dame des Brume. Alors Erisdar leur indiquait la route, et Aiedail restait silencieuse. Mais elle souriait de la renommée qui était désormais la sienne dans toute la forêt.          
         
         Après deux semaines de voyage, ils atteignirent le village le plus méridional de Talsyn. Déjà là, ils commençaient à reconnaitre la végétation plus sombre, plus trapue et tortueuse de Cythral. On leur offrit l’hospitalité. Pendant le souper, les deux voyageurs demandèrent des nouvelles de leur royaume à leurs hôtes. Ceux-ci leur répondirent avec gravité que la reine, Dame Drihel, était récemment décédée dans des circonstances troubles, et que rares étaient les gens à chercher à éclaircir la situation car la reine était peu aimée des nobles comme du reste de ses sujets. Désormais, c’était Dame Draya, la jeune fille de Drihel, qui avait pris la couronne. Alors Aiedail demanda à Erisdar à faire un détour par Tal Drost pour aller voir la reine. Erisdar fut réticent à cela, car il ne souhaitait pas mettre pied dans des intrigues de cour, et car il se méfiait de Draya. Mais devant l’insistance d’Aiedail, il finit par céder.          
         
         Ils arrivèrent à Tal Drost dans la soirée du lendemain. Et là, ils reçurent un grand accueil quand on apprit qui ils étaient. Dame Draya marcha à leur rencontre à travers le hall. Elle proposa à Erisdar d’aller se reposer dans des quartiers préparés pour lui, car elle souhaitait s’entretenir avec Aiedail seule à seule. Le magicien accepta de bonne grâce, car la route avait usé ses jambes âgées. Avant de s’en aller, il recommanda la prudence à Aiedail face aux ruses potentielles de la nouvelle reine.          
         
         Aiedail et Draya étaient d’âges proches, mais elles lisaient chacune les yeux de l’autre la fatigue précoce qu’infligent les évènements marquants. La jeune voyageuse commença à parler, mais fut interrompue par la reine :          
         
         « Bienvenue chez toi Aiedail. Cythral sera un meilleur domaine avec ta présence ici.          
- Votre majesté, Je vous présente mes condoléances, s’inclina Aiedail.          
- Ne te soucis pas de ça, mon royaume se portera mieux avec une nouvelle reine à sa tête. C’est à moi de te faire part de ma tristesse pour la mort de ta mère. Jamais je n’ai connu d’aussi grande cheffe que Weldenmaëla. Le talisman que je t’avais offert n’a pas été suffisant hélas pour vous protéger du sort. »          
         
         Alors Aiedail se rappela l’objet qui lui avait été donné en quittant Tal Drost, et elle baissa la tête :          
         
         « Votre majesté, je crains d’avoir perdu le cadeau que vous m’aviez offert. »          
         
         Draya ne répondit pas tout de suite. Elle scruta Aiedail longuement comme si elle voulait la jauger.          
         
         « Aiedail, Je n’ai pas beaucoup de temps à t’accorder. La succession me demande beaucoup d’efforts, on ne prend pas les rênes d’un royaume facilement. J’aurai besoin de soutiens.          
- Que puis-je faire pour vous ma reine ? »          
         
         Draya sourit légèrement, et alla dans un coffre de la pièce, d’où elle tira une épée entourée de plusieurs couches de tissus. Elle en tendit la garde à Aiedail pour qu’elle la saisisse.          
         
         « En partant de Mordryn, ta mère t’avait fabriqué deux armes. Ce sont les deux lames que tu portes au côté. Mais elle n’a pas eu le temps de te donner la dernière. Dormin le forgeron l’a fait apporter ici il y a quelques années, dans l’espoir que je puisse te la donner si tu revenais. »          
         
         Alors Aiedail prit l’épée en main, et elle se coupa le doigt en inspectant la lame, car celle-ci était de très loin l’arme la plus tranchante que l’elfe ait jamais touché. Après le départ de Weldenmaëla, Dormin le forgeron avait terminé seul la forge de l’arme, et il l’avait ensuite affuté pendant des années, car Weldenmaëla avait disparue, et personne n’était venu lui réclamer l’arme dont il ne savait que faire. Elle avait été nommée “Perfide”, car son tranchant inhabituel avait blessé chacun de ceux qui avait voulu l’approcher. C’était la plus courte des trois armes qu’avait fabriquées Weldenmaëla en Mordryn, et elle avait la forme d’un long poinçon. La garde était sobre, faite de bois d’olivier.          
         
         « Dame Draya, c’est un honneur et une joie de recevoir de vos mains cet héritage de ma mère.          
- Je ne te l’offre pas seule, car avec cette arme, je te donne la charge de ton clan. Tu en es désormais la cheffe, et je compte sur toi pour le diriger en mon nom avec lucidité. Acceptes-tu cela ?          
- J’accepte.          
- Alors tu peux aller. Rejoins les tiens au plus vite, et guide les bien. »          
         
         Alors Draya laissa Aiedail partir, et celle-ci rejoint Erisdar. Et quand il entendit le récit de l’échange, le sorcier eut un soupir.          
         
         « Notre jeune reine est décidément bien douée, et bien plus subtile que sa mère, car elle a réussi à obtenir ton serment de vassalité dès ton arrivée. En acceptant cette arme, tu as accepté son autorité. »          
         
         Ils quittèrent Tal Drost dès le lendemain, car Aiedail avait hâte de revoir les terres de son enfance. Plus ils approchaient, plus Aiedail pressait le pas. Mais Erisdar n’était jamais longtemps distancé car la jeune elfe s’arrêtait souvent pour humer l’air familier et admirer les paysages qu’elle retrouvait.          
         
         Et enfin, ils arrivèrent en Edur Edoc’sil. Et alors Aiedail parla avec agitation à Erisdar, pour lui raconter tout ce qu’elle reconnaissait. Elle était submergée d’émotions. Elle pointait les arbres, les rivières, les collines, elle racontait à haute voix ses souvenirs de chaque lieu, et Erisdar fut ému de la voir si heureuse.          
         
         Quand ils arrivèrent finalement aux halls du clan, un attroupement se forma autour d’eux, car il était inhabituel que des voyageurs arrivent dans ce lieu si reculé de Cythral. Quand Aiedail fut reconnue, des elfes poussèrent des cris de joie. Certains coururent aussitôt dans les environs pour répandre la nouvelle auprès de ceux qui s’étaient éloignés pour la chasse, et en quelques heures, tout le clan était réuni dans les halls.          
         
         « Nous avons entendu beaucoup d’histoires, et nous savons que beaucoup sont fausses, puisque vous voilà de retour ! Racontez- nous tout ! »          
         
Alors Aiedail fit installer des torches autour du hall où ils étaient tous réunis, car le récit ne pouvait pas être raconté avant que la nuit ne tombe. Elle fit dégager un large espace au centre de son clan retrouvé, et elle commença à danser l’histoire d’une toute jeune elfe partie de chez elle.


-~~*~***~*~~-

FIN

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Le Retour (ou histoire du clan du datia yawe) Empty Re: Le Retour (ou histoire du clan du datia yawe)

Message par Iskandar Ven 30 Déc - 17:52

Ishnu'alah !

Comme dit sur le discord, cette lecture fut une belle expérience, et je pèse mes mots. "Belle", car tu as visé tout du long une certaine beauté de langue et de style. "Expérience", car il s'est véritablement agi d'une expérience telle que je n'en ai pas eu depuis un moment, un contrat passé entre lecteur et auteur des plus originaux.

Si j'essayais de trouver une première métaphore, je dirais que cette lecture a été comme un repas frugal et sain, en discordance avec l'habitude des repas certes aussi bons, mais plus riches et dès lors plutôt lourds. Bon nombre de récits, les miens y compris, visent souvent à planter une narration foisonnante de détails contextuels et descriptifs. Là, je ne peux qu'ôter mon chapeau face à tant de retenue et de discipline.

Le dynamisme de la narration me fait nécessairement penser à une performance de dance, élément récurrent du récit, sinon central. Je pense être dans le vrai en parlant d'une belle mise en abyme.

Ta source d'inspiration m'a semblé adroitement maniée et, point que j'ai envie de répéter, tu es parvenu à tenir la cadence stylistique et scénaristique d'un bout à l'autre, autrement dit, tu as gagné ton pari et tu as raison d'en être fier.

Je souhaite également glisser un mot sur l'aspect hobbyiste de la chose : ça va me faire tout drôle d'affronter Aiedail et ses congénères la prochaine fois qu'une occasion nous vient de faire bataille. Mon chroniqueur aura bien envie de remettre ses squelettes sous terre et demander une dédicace sur sa copie manuscrite de l'histoire du clan !

Le point culminant de mon commentaire, cela dit, touche probablement à la question peut-être un peu trop usée des projets futurs : je suis comme un fan qui a fini la saison d'une série, qui a trouvé ça génial, et qui se demande s'il y aura une saison 2, et qui se dit que même s'il y en a pas, c'est tout aussi bien car la saison se suffit bien a elle-même. Si les astres s'alignent dans le ciel, c'est d'eux-mêmes, et non à volonté. Du moins, c'est ce que j'ai tendance à croire.

Je mentionnerai sur la fin un seul moment où, du point de vue de la cohérence du scénario, je me suis senti un peu gêné. Il a été mentionné à plusieurs reprises que tes héros proviennent de la région la plus sauvage d'Athel Loren, et qu'ils y entretiennent une culture de survie depuis des générations. Or, certaines mésaventures sur leur route me semblent dès lors un peu, disons, inattendues, de la part de vétérans de la survie en milieu forestier. Globalement, j'ai compris que la raison principale à celles-ci est l'empressement du groupe de parvenir à Fyr Darric, mais je pense que certaines formulations de ce qui leur arrive dénotent un peu trop avec leur passif. D'abord, la partie où ils affrontent le froid de l'hiver : même des peaux de bêtes sommairement traitées auraient probablement servi à leur tenir chaud, et je peine à croire que le gros gibier manque en Athel Loren. Si je devais proposer un aménagement tout en gardant l'enchainement des événements : ils se sont tous plus ou moins équipés pour le froid, mais la tempête finit par emporter les peaux de bêtes (car elles sont sommairement retenues, aussi par manque d'habitude de les porter). Ensuite, la partie de l'embuscade : je vois mal des forestiers, même pressés, "tomber dans une embuscade". Forcer leur passage à travers un territoire fourmillant d'ennemis, pourquoi pas. Contourner une armée d'ennemis pour tomber malheureusement sur une escouade, pourquoi pas. Une embuscade se voudrait plutôt là où les hommes-bêtes s'attendraient à ce qu'il y ait du passage, donc pas dans une région manifestement abandonnée du fait de leur présence-même.    

Il s'agit là des seuls moments où mon immersion a été un peu troublée. Le reste du temps, j'étais accroché à la narration et gambadais de paragraphe en chapitre tel un écureuil de branche en branche. Il y a eu de l'anticipation et de l'appréhension au moment de la confrontation en Manin/Aiedail et Ladrielle, et, fort heureusement, le dénouement s'est fait sans heurts. Il y a, bien entendu, une pointe d'inquiétude quant à l'avenir du clan Du Datia Yawe, notamment en provenance des manigances politiques de Tal Drost, mais ça, c'est sans doute l'objet d'un autre récit (inspiré, qui sait, d'un des travaux plus élaborés de Tolkien ?) qui peut aussi bien rester à l'état de concept dans mon esprit.

Gros GG pour cette chorégraphie littéraire ! Avec de la chance, les hypothétiques danseurs du clan d'Iskandar en feront un jour la représentation dans la forêt d'Essen !
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Message par ethgri wyrda Ven 6 Jan - 11:41

Merci infiniment pour ton retour ! il me fait très très plaisir, et me donne vraiment envie de continuer à écrire. Je dirais même qu'il me motive à peaufiner ce texte !

je dirais que cette lecture a été comme un repas frugal et sain, en discordance avec l'habitude des repas certes aussi bons, mais plus riches
Et bien merci beaucoup pour cette comparaison ! Je suis très flatté ! Je pense qu'il m'a été plus facile de terminer un récit justement en allant droit au plus simple de l'histoire. Même si ça demande effectivement une discipline pour s'empêcher de glisser partout plein d'anecdotes ou de détails. Le bâton de bois éternellement vif de Erisdar est malheureusement passé par cette trappe !

tu es parvenu à tenir la cadence stylistique et scénaristique d'un bout à l'autre
Merci, je suis très très flatté ! Embarassed

ça va me faire tout drôle d'affronter Aiedail et ses congénères la prochaine fois qu'une occasion nous vient de faire bataille.
J'ai le même effet chaque fois que je croise Essen ! J'étais plein d'émotions quand j'ai pu voir les protagonistes de "Vampire at war" de mes propres yeux !

un fan qui a fini la saison d'une série, qui a trouvé ça génial, et qui se demande s'il y aura une saison 2
Je ferai sans doute une relecture de ce texte pour corriger plusieurs fautes et arranger certains passages suite aux retours que j'ai eu, mais aujourd'hui je n'ai pas encore décidé de me lancer dans une suite. J'ai d'autres récits/projets sur le dessus de la pile avant cela et je me dois de les terminer à leur tour ! Mais après... qui sait drunken

Je prends bonne note de la remarque sur le passage dans le froid d'Athylwyth. Effectivement, Weldenmaela aurait surement pu mieux préparer cette partie du voyage. L'idée de prendre des peaux de bête sur place me semble difficile, mais par contre en acheter à un village proche ou à Tal Drost aurait été possible... J'essayerai de trouver quelque chose pour corriger ça.

Pareil pour l'embuscade. Je vais devoir renforcer l'inattention des personnages à ce moment. Peut-être étaient-ils en train d'écouter les souvenir d'enfance de Weldenmaela ? Peut-être faut-il que je souligne plus le danger des hommes-bêtes ? ou alors que la geographie qui oblige à arriver à cet endroit sans pouvoir éclairer le chemin avant soit plus précise ? Les pistes sont ouvertes Very Happy

Merci encore mille fois pour ton retour ! Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy

_________________
Ennemis de Loren
Retiens cette morale
Sache que notre haine
Pour toi n'a pas d'égale

Tes nombreux congénères
Se sont tous fait tuer
Et bientôt en enfer
Tu vas les retrouver
             

                   Ethgrì-Wyrda
ethgri wyrda
ethgri wyrda
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Le Retour (ou histoire du clan du datia yawe) Empty Re: Le Retour (ou histoire du clan du datia yawe)

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